François Emmanuel
Portement de ma mère (VII) [A présent que tout est accompli]
Portement de ma mère (VII) [A présent que tout est accompli]
VII
A présent que tout est accompli, ce jour tant redouté, je suis là à le vivre, un sanglot fait concrétion au fond de ma gorge, serre l’étau de mes tempes, mais ne s’expulse pas, gonfle, se tuméfie, oh délivrez moi de la conscience folle, que ma pensée s’obsède à tel futile détail, et qu’il se trouve un angle creux au fond de la pénombre, une croisée où me perdre, c’est le masque décomposé de mon frère, mon familier, mon semblable, que je ne peux pas voir, c’est l’homme en moi qui fait haute figure, serre les poings, se mure, nous sommes encore si fiers, si honteux de nos larmes, non, je ne laisserai pas le chagrin m’inonder le visage, je m’embusquerai derrière mon regard, dans l’enceinte verticale de mon corps, et ces mouvements de cierges, ces faces blêmies, ces cortèges, ces cérémonies, je les prendrai pour étranges, passent et repassent les endimanchés, invités incongrus de la noce noire