François Emmanuel
Portement de ma mère (II) [Elles ont accompli l’office des embaumeuses]
Portement de ma mère (II) [Elles ont accompli l’office des embaumeuses]
II
Elles ont accompli l’office des embaumeuses, clos tes paupières, noué tes doigts autour du chapelet, elles t’ont revêtue d’une robe de nuit fraîche, disposant en rayons les replis du drap, et nous sommes à nouveau rentrés dans la chambre, n’osant nous approcher de celle qui est ton cadavre, apaisée, il nous semble, souriante mais morte, déchargée de tout souffle, inhumaine, le silence est si pur que l’on capte, par delà, des cris d’enfants très brefs, réverbérés sur la faïence, et seule ma jeune soeur, la moniale, celle qui a fait voeu de solitude, pose sur ton front un baiser de tendresse, prononce des paroles simples, elle s’est endormie, elle a ouvert les yeux avant de s’éteindre, et je me souviens de ta dernière nuit, j’assistais d’heure en heure à l’enlisement de ton corps, je ne te redressais plus sur l’oreiller, je laissais ton pouls fuir, filer, l’eau noyer ta respiration, je nettoyais seulement tes lèvres, je caressais tes cheveux, tes tempes en sueur, désormais ton visage est clos, sans larmes, c’est le matin du trois août, on gravera la date dans la pierre