Denise Desautels 
Translator

on Lyrikline: 11 poems translated

from: 德文, 英文 to: 法文

Original

Translation

Ausser Rufweite

德文 | Klaus Merz

Gegen Mitternacht fährt
jodelnd ein Mopedfahrer
an meinem Fenster vorbei.
Mit offenem Visier
als zöge er in einen
fröhlichen Krieg.

Wieso nur erschreckt mich
wenig später der Laut
meines brennenden
Zigarettepapiers?

© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg : Wunderhorn , 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Hors de portée de voix

法文

Vers minuit,
Un conducteur de vélomoteur
Passe, iodlant,
Devant ma fenêtre.
La visière relevée
Comme s’il s’en allait vers
Une guerre joyeuse.

Pourquoi, un peu plus tard,
M’effraie-t-il, ce bruit
De mon papier à cigarette
Qui grille ?

traduction: Denise Desautels
© Denise Desautels

Wiepersdorf später 3

德文 | Klaus Merz

Das zu-, das abnehmende Licht,
die wandernden Wolkenschatten,
der schwindelerregende Wind.
Noch einmal spielt mir der Tag
einen Schmetterling zu, den ich
kenne, das Entengeschwader
hebt ab. Libellen jagen übers leere
Atomsprengkopflager im Tann:
Pro Lidschlag ein Bild, das unter-
zuckerte Licht treibt mir den Schweiss
aus der Haut. Mit flatternden Fingern
notier ich die Zitterpartie.

© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg : Wunderhorn , 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Wiepersdorf après 3

法文

La lumière monte et descend,
les ombres des nuages vagabondent,
et tourbillonne le vent.
Une fois de plus, le jour me présente
un papillon qui ne m’est pas inconnu.
L’escadron de canards décolle.
Des libellules survolent la sapinière
qui héberge l’entrepôt désaffecté de missiles
nucléaires. A chaque battement de paupières,
une image surgit. La lumière
hypoglycémique fait perler la sueur
sur ma peau et mes doigts transcrivent
fébrilement ce tableau vertigineux.

traduction: Denise Desautels
© Denise Desautels

Wiepersdorf später 2

德文 | Klaus Merz

Überall stehen die Pilze parat,
„Schwämme“ sagen die hergereisten
Schweizer und ernten nahrhaften
Tadel vom sächsischen Förster.
Es erträgt wenig Abweichungen
im Herbst. Aber auch damit
hatten wir nicht gerechnet
(auf dieses neuste Jahrtausend hin)
dass, Tochter, dein Liebster
zu dir kommt - aus einem Krieg.
Dazwischen geschenkte
Heiterkeiten und eine Trommel
im Ohr, an die niemand
rührt, gozzeidank.

© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg : Wunderhorn , 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Wiepersdorf après 2

法文

Partout, les champignons se tiennent prêts
« Eponges » disent les Suisses en visite qui
récoltent de nourrissants reproches
du forestier saxon. On tolère
peu les écarts en automne.
Mais, nous n’avions pas compté non plus
(à la veille de ce nouveau millénaire)
que, fillette, ton bien-aimé
te rejoindrait – retour de guerre.
Certes, des sursauts de rires
mais, dans l’oreille, un tambour
en attente, que personne
ne touche, Dieusoitloué.

traduction: Denise Desautels
© Denise Desautels

Wiepersdorf später 1

德文 | Klaus Merz

Das Rad sirrt leise
durch die Ebene, gleitet
unter den Schattenachsen
des Soldatenkönigs hin. Grosse
Gänge, kleine Kränze. Lerchen
und Falke sind in der Luft, Bogen
und Pfeil. Tagbleich versinkt
hinterm Dorf der Trabant,
die freundlichen Leute stehen
vor ihren vorbeiflitzenden Häusern.
(Zur Sicherheit wacht hinter jeder
Hoftür der deutsche Schäfer.) Später
am Rand der Kadaver des Hasen,
fliehend noch immer, Wind
und Wolken ziehen darüber weg.
Im Vorgarten der Zwerg langt
nach seiner Schaufel und gräbt
ein Loch in den märkischen Sand:
Für August Ziekert, Förster a.D.,
Wolf genannt. Er hat Grossmutter
und Kind aus dem Tierbauch
befreit. Über den Wackersteinen
der Wiepersdorfer Alleen
liegt jetzt Asphalt.

© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg: Wunderhorn, 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Wiepersdorf après 1

法文

Le vélo traverse la plaine
glisse sous les axes ombragés
du Roi Soldat. Dans l’air,
des alouettes et des faucons, arcs
et flèches. Bleu délavé,
la « Trabant » disparaît derrière le village,
des habitants débonnaires se tiennent debout
devant leurs maisons qui défilent en trombe.
(Pour plus de sûreté, le berger allemand
monte la garde dans chaque cour.) Plus loin,
au bord de la route, le cadavre
du lièvre fuit toujours. Vent
et nuages balayent la scène.
Dans le jardinet, le nain attrape
sa pelle et creuse un trou
dans le sable de la Marche :
« Pour August Zieckert, dit Wolf,
ancien forestier ». Il a sorti
mère-grand et l’enfant du ventre
de la bête. Aujourd’hui, les pavés
des allées de Wiepersdorf
sont recouverts de bitume.

traduction: Denise Desautels
© Denise Desautels

The World’s Hub

英文 | Ken Babstock

Not poor, but adjacent to that, I lived
in an outer suburb, undistinguished but
for the mauve-blue mirrored panels of glass

alongside the feeder lanes. Not country
and no sort of city. Everyone drove, to all points
within the limits of nowhere; the rest

incarcerated on public transit: packed
in the high-wattage strip light
sat the poor, the mad, the adolescent

and license-suspended, the daylight
drunk, and Malton’s newly arrived.
Hours-long treks through air-quality

alerts, fingering vials of hash oil and
transfers back. Or earlier, at the thin edge
of long dusks, the Bookmobile

dripping grease on clean tarmac
nudging the lower leaves of young maples,
I kissed a Jamaican boy with three

names, his loose jheri curls
looked wet and right, black helices
in the bay windows’ blue glow.

And something inside me took root;
a thing mine that I didn’t own, but cared
for, as I had for a pink-eyed rabbit,

loved without reason and was returned
nothing in kind, and so what? The flurry
of rose-brick façades being raised

on cul de sacs without sidewalks, outlets
and outlets, the sameness, and grimmer storeys
of the projects beyond the ballpark

were a weird history I was casting love
upon even as I wanted to leave it. I worked
retail, weekends, from within an awareness
 
of myself as Self; the brown carpeted tiers
of the library, ravine parties, parading
my young body through malls. The world’s

hub, improbably, here, under untranslatable
verses of powerlines, kestrels
frozen above vast grassland of what used

to be farm. November like a tin sheet
blown up from the lake over Mimico, with
garbage and refuse I’d build

a hilltop to the moon over Mississauga —
chip bags, flattened foil wrappers, shopping
carts growing a fur of frost, the shocking

volume and echo of squat women’s voices,
here from blasted South Balkan huts
via Budapest; Filipinos, Croatians

with income come to make good
and did, dressed us in suede pantsuits
at ten, or terry summer halters, confident

with adults, curious, clean. Damp
electrical storms, bloated purgings
of rain turning the avenues to linked lakes.

The low slung buses veering, Albion-bound
but stalled in a monoxide cloud
somewhere on the usual grid . . .

it was the world’s hub.
If you feel otherwise, that it constituted negative
space, I can only say it’s a postulate

without need of proof but for the love
I had for it. I knew before I could speak
of it — that great, horrible sprawl

folded under airport turbulence, advancing inland
each year, breeding signposts, arteries, housing —
it was life as it was lived. Raspberries. The smell of gas.

© House of Anansi Press
from: Airstream Land Yacht
Toronto: House of Anansi Press, 2006
Audio production: 2007, Literaturwerkstatt Berlin

Le centre du monde

法文

Pas pauvre mais presque, je vivais
dans une banlieue éloignée, insignifiante, mis
à part les panneaux de verre aux reflets mauve et bleu

le long des bretelles de l’autoroute. Ni la campagne
ni vraiment la ville. Ceux qui étaient motorisés circulaient partout
à l’intérieur des frontières de nulle part ; les autres

étaient emprisonnés sur la voie publique : emballés
dans des néons crus
assis le pauvre, le fou, l’adolescent

le sans-permis, l’alcoolique
journalier et le nouvel arrivant à Malton.
Les trajets interminables à travers les alertes

de pollution, les mains dans les poches, jouant avec des fioles
d’huile de hasch et des correspondances de bus. Plus tôt, entre
chien et loup, le bibliobus

laissant des traces d’huile sur l’asphalte
et frôlant les feuilles les plus basses des jeunes érables
j’ai flirté avec un jeune Jamaïcain, et ses trois

identités, ses boucles tombantes
mouillées et stylées, hélices noires
dans la lueur bleutée des bay-windows.

Et quelque chose en moi s’est formé ;
quelque chose à moi que je ne possédais pas, mais
auquel je tenais, comme ce lapin aux yeux roses,

que j’ai aimé sans raison et dont je n’ai rien reçu
en échange. Et alors ? Des façades
en briques rouges poussaient comme des champignons

dans des culs de sac sans trottoirs, des commerces encore
et encore, la monotonie, et les étages sinistres
des H.L.M. derrière le stade de base-ball

tout ça racontait une histoire bizarre, celle d’un lieu dont j’étais amoureuse
même si je voulais en sortir. Je travaillais comme
vendeuse, les week-ends, avec la conscience déjà

de moi-même, souveraine : les bancs de la bibliothèque recouverts
de moquette marron, les fêtes folles, mon jeune corps
s’exposant dans les centres commerciaux. C’était ici le centre

du monde, invraisemblablement, entre les vers intraduisibles
des lignes à haute tension, les faucons
figés au-dessus de vastes prairies, d’anciennes

fermes. Novembre comme une feuille de métal
soufflée sur Mimico, avec
des ordures et des déchets, j’aurais élevé

une colline jusqu’à la lune, devant Mississauga —
des sacs de chips, de l’alu froissé, des chariots
de supermarché recouverts d’un duvet de gel, l’écho

bouleversant des voix de femmes qui squattaient le lieu
arrivées ici depuis les cabanes délabrées du Sud des Balkans
via Budapest ; des Philippines, des Croates

avec un peu d’argent, venues ici pour en faire plus
et qui en faisaient, à dix ans, vêtues de tailleurs pantalons
de daim ou dos nus dans des robes légères, à l’aise

avec les adultes, curieuses, propres. Le fracas des
orages qui se répandaient partout et qui
transformaient les avenues en cours d’eau.

Les bus trop bas forcés de rebrousser chemin, direction Albion
mais qui se retrouvaient coincés dans un nuage de monoxyde
quelque part dans le trafic habituel…

c’était le centre du monde.
Si vous ressentez les choses autrement, par exemple qu’il s’agit d’un espace
négatif, je vous dis seulement : c’est un postulat

sans nécessité d’autre preuve que l’amour
que j’ai éprouvé. Je savais avant même de pouvoir en
parler — l’immense, l’abominable expansion de la banlieue

aux prises avec les turbulences des aéroports envahissant la campagne un
peu plus
chaque année, laissant le champ libre aux panneaux indicateurs, aux
artères, aux lotissements —
que c’était la vie comme on la vivait. Les framboises. L’odeur d’essence.

traduit par Denise Desautels,
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

Strategie

德文 | Klaus Merz

Das Tapetenmuster
des Traums, Blattwerk
lanzettlich. Und dann

der erneute Versuch
den Tag mit Gelächter
zu bezwingen. Oder

sitzend auf den Hinterläufen
die Nacht abwarten.
Wie die Hasen.

© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg : Wunderhorn , 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Stratégie

法文

Le motif mural
du rêve, feuillage
tel une lance. Et puis

cette nouvelle tentative
pour venir à bout du jour
avec des rires. Ou bien

assis sur ses pattes de derrière
attendre la nuit.
Comme des lapins.

traduction: Denise Desautels
© Denise Desautels

Noah und seine Familie besteigen die Arche

德文 | Sabine Scho

»Sie sprachen in Zeichen – mochten das trotzdem auch
            Worte sein: des Unbehagens, des relativen Behagens, der
            Sehnsucht –, eine Tiersprache.«
            R.Musil, Drei Frauen. Grigia, 1924


Ey, die nich, nur die Lungenatmer
hab ich gesagt und sieh zu, dass der
Bär da von der Brüstung wegkommt

Aber dalli! Und das Einhorn bleibt hier
jetzt guck nich so, kein Fabeltier, nicht
auf meinem Boot! Brauchst du das schriftlich?

*Arrgh* So verlaust kann doch kein Laffe sein
Ab dafür! *Ii-hii*, kann mal jemand die Kamel-
kacke wegmachen? Wo ist meine Liste? Oha

Da geht die Ziege vor Anker: Harakirispieß
Na super, gibt’s gleich heut abend Geißbraten
und Bockbier, wenn schon Sintflut, dann richtig

Ja-ha, so seht ihr aus! Ich glaub, es hakt!
Ablegen um vier, damit das klar ist, mach
Dampf! Und deiner First Lady kannste auch

Stenographieren, mit dem Fummel bleibt die
unter Deck, wo sind wir denn? Das ist kein
Eroscenter mit Knallkabinen für Zuchtstiere

Kapiert! Was willst du mit der Grabbelkiste?
Zeig her! Künstlerbedarf? Das ist nicht dein
ernst? Pleinair? Du bist süß, sogar eine Basken-

Mütze! Aquarellpapier, Tinte und Wasserfarben
Da hat jemand mitgedacht! Ich glaub’s ja nicht
und wie kriegst du das fixiert? Plastifiziert in

Schweinemagen? Unsere schwimmende Galerie
Ham, der Regattareporter zeigt Ihnen, wie es
wirklich war! Lebensecht laviert und in Farbe

Hin und wieder die Gattin nackt zwichen den
Animalen, auf Schafsfell, oder auch in Schweiss
beim Faschieren, appetitlich im Fleisch drapiert

Beschau, nicht zu bezahlen, aber, wenn es Ihnen gut
gefällt, mit Rahmen, gleich To Go für Sie abmontiert
unsere Kunden können nicht klagen, ganz unter uns

Er fertigt nach Ihrem Begehren, da bleibt kein Wunsch
offen, und, *pssst*, kennen Sie den Ursprung der Welt
ja, genau, der für den türkischen Diplomaten, der ging

Auf sein Konto, das ist jetzt nicht überzogen, aber sowas
kann man nur einmal malen, wenn sie verstehen, was ich
damit sagen will! *Zwinker* Er ist unser bestes Pferd *puff*

Ein Puhvogel *killekille*, unser Benjamin, der uns das Land
aufspürt, wo die prallen Zitronen wohnen, haut auch Nymphen
in Marmor, wenn Ihnen der Sinn nach was Haptischem steht

        Danke, mach ruhig weiter, aber, wenn’s dich nicht stört
        ich geh inzwischen das Schiff beladen. Ich soll’s ja nicht
        wagen, ich weiss, aber, glaub mir, als ich dich damals hacke-

        Dicht fand, war auch ich völlig verstört, es hätte nicht viel gefehlt
        doch wie du so bloß vor dem Zelt gelegen, konnt ich mich nicht
        mehr regen, und du gehst jetzt hin und rettest die Welt? Vergiss es!

        Familie? Was ein erbärmliches Feld. Sollten wir wirklich über-
        leben, dann trennen sich unsere Wege, die Hunde nehme ich mit
        Und dir möchte ich nie mehr begegnen!

© 2008 kookbooks, Idstein
from: farben. Gedichte
Idstein: kookbooks, 2008
Audio production: 2007 Literaturwerkstatt Berlin

Noé et sa famille montent à bord

法文

Ils parlaient par signes – même si c’était finalement des mots:
          de malaise, d’aisance relative, de nostalgie – une langue animale.

          R. Musil, Trois femmes. Grigia, 1924
               (Trois femmes, Noces, traduit de l’allemand par Philippe Jaccottet,
                 Points Seuil, 1983)

Dis donc, pas eux, seulement ceux qui ont des poumons
que j’ai dit et t’as intérêt à ce que cet
ours-là disparaisse de la passerelle

Et que ça saute ! Et la licorne reste
Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça, pas d’animal fabuleux, pas
sur mon bateau ! Tu veux que je te fasse un dessin ?

*Arrgh* C’est pas possible qu’un singe puisse être si pouilleux
Dégage ! *Beu-eurk* Quelqu’un peut-il enlever le caca
de chameau ? Où est ma liste ? Ouais

voilà la chèvre qui s’ancre : hara-kiri sur broche
eh ben ! génial, y aura du rôti de chèvre ce soir
et de la bock. Le Déluge ? Tant qu’à faire !

Vous rêvez ! Ça va pas la tête ?
On met les voiles à quatre heures, et pas d’histoires, on
se dépêche ! Et puis oublie pas de sténographier

à ta first lady, fringuée comme ça, elle monte pas
sur le pont, où est-ce qu’elle se croit ? C’est pas
un bordel ici avec cabines à baise pour taureaux d’élevage

Compris ? C’est quoi là ce farfouillage ?
Montre voir ! Tout pour l’artiste ? T’es pas
sérieux ! Plein-air ? A-do-ra-ble ! Jusqu’au béret

basque ! Papier d’aquarelle, encre et peinture à l’eau
Pas possible, on dirait qu’on a prévu le coup !
Comment vas-tu fixer ça ? Plastifié dans un

estomac de porc ? Notre galerie flottante
Ham, le reporter de régate, vous dévoile
la vérité ! Aquarellée, en chair et en os, et en couleur

de temps en temps, l’épouse nue sur toison, parmi
les bêtes, ou alors en sueur, en train de
hacher, drapée appétissante dans la viande

Le spectacle a pas de prix! Mais, si vous
appréciez, c’est à vous, encadré, emballé, prêt à emporter
ça reste entre nous, et nos clients ont rien à redire

Il crée selon votre désir, vous aurez tout ce que vous
souhaitez, et puis, *chut ! *, connaissez-vous L’Origine du Monde
oui, c’est bien ça, celle du diplomate turc, mise

sur son compte, non il est pas à découvert, mais ce genre de truc
on le peint qu’une fois, si vous voyez ce que je
veux dire ! (Clin d’oeil) Il est notre meilleur cheval *hein ! *

Un bouc émissaire *giligili*, notre benjamin qui découvre pour nous
le pays où habitent les citrons juteux, taille aussi des nymphes
en marbre, au cas où vous auriez envie de quelque chose de tangible

        Merci, oui, vas-y, continue, mais, si ça te gêne pas
        je vais charger le bateau entre-temps. Je devrais pas
        oser t’aborder, je sais, mais, crois-moi, quand à l’époque je t’ai trouvé bourré

        à mort, moi aussi, j’ai été choqué, il s’est en fallu de peu
        mais vu qu’t’étais nu devant ta tente, je pouvais
        plus bouger. Et toi tu m’dis que tu vas sauver le monde ? Laisse tomber !

        La famille ? Quel champ pitoyable ! Si jamais nous survivons
        vraiment, nos chemins se sépareront, moi, je garde les chiens
        et toi, je veux plus jamais te croiser.

traduit par Denise Desautels,
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

Ging wochenlang

德文 | Klaus Merz

Ging wochenlang
im Kreis. Immer
nachmittags.

Kam gestern ans Tor
sagte, dass er sich wieder
vorstellen könne:

Einen Menschen
aus Staub geformt.

© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg : Wunderhorn , 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Tourna des semaines

法文

Tourna des semaines
en rond. Toujours
l’après-midi.

Vint hier au portail
dit qu’il pouvait à nouveau
s’imaginer :

un homme
fait de poussière.

raduction: Denise Desautels
© Denise Desautels

Einschlüsse. Vier Gespräche von selbst

德文 | Klaus Merz

1

Es nimmt zu. Von Tag zu Tag. Die Kälte. Das Gewölk. Der Schwerverkehr. Erst gestern war das Gras noch grün. Und heute? Gib es nur zu, du, mit deinem grauen und dem schwarzen Auge! - Von Schnee keine Ahnung und schon gar nicht vom Schneien. - Nimm die Finger aus den Rabatten, leg endlich die Pilze auf den Tisch und gesteh unsere Niederlage ein: Wir mit unseren Totentrompeten können nicht schneien!



2

Schwere Mäuler. Überbiss. Die Brustwarzen der Dame weisen Richtung südsüdwest: Mutter und Sohn, einander aus dem Gesicht geschnitten. Wüste Gesichter, aber ein Benehmen wie Könige, Schlossabfüllung. Sie legen ihre Grundbücher auf den Wirtshaustisch. Und gemeinden dich ein.



3

Seit Tagen liegt das Knacken der Radiatoren mir als Warnung  im Ohr. Und die Tauben im Quartier sind mit Botschaften letzter Dringlichkeit unterwegs für mich. – Doch, wage ich mich einmal vor bis zum Fenster, frisst mir die Welt aus der Hand!



4

Schnee. Schnee bis in die österreichischen Herrgottswinkel unserer armen Seelen hinein: Nassschnee!


© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg : Wunderhorn , 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Inclusions. Quatre soliloques allant d’eux-mêmes

法文


1

Ça gagne. De jour en jour. Le froid. Les nuages. Les poids
lourds. Hier encore, l’herbe était verte. Et aujourd’hui ? Avoue
le donc, toi, avec ton œil bleu et l’autre noir ! – Pas la moindre
idée de la neige ni même de sa chute – Ote tes doigts des
plates-bandes, pose enfin les champignons sur la table et
avoue notre défaite : nous, avec nos trompettes de la mort,
nous ne pouvons pas neiger !




2

Gueules lourdes. Mâchoires proéminentes. Les mamelons de
la dame pointent vers le sud sud-ouest. Mère et fils aux visages
taillés dans le même bloc. Visages laids, mais des allures de
roi, mis en bouteille au château. Ils posent leur cadastre sur la
table de l’auberge. Et t’incorporent à leur monde.




3

Depuis des jours, le bruit des radiateurs résonnent dans mes
oreilles, comme une menace. Et les pigeons du quartier sont en
route vers moi avec des messages d’une extrême urgence. Or,
si j’osais aller à la fenêtre, le monde viendrait manger dans ma
main !




4

Neige. Neige jusque dans les sacrés angles autrichiens de nos
pauvres âmes : neige mouillée !

traduction: Denise Desautels
© Denise Desautels

Compatibilist

英文 | Ken Babstock

Awareness was intermittent. It sputtered.
        And some of the time you were seen
                asleep. So trying to appear whole

                you asked of the morning: Is he free
        who is not free from pain? It started to rain
a particulate alloy of flecked grey; the dogs

wanted out into their atlas of smells; to pee
        where before they had peed, and might
                well pee again — though it isn’t

                a certainty. What is? In the set,
        called Phi, of all possible physical worlds
resembling this one, in which, at time t,

was written ‘ Is he free who is not free —’
        and comes the cramp. Do you want
                to be singular, onstage, praised,

                or blamed? I watched a field of sun-
        flowers dial their ruddy faces toward
what they needed and was good. At noon

they were chalices upturned, gilt-edged,
        and I lived in that same light but felt
                alone. I chose to phone my brother,

                over whom I worried, and say so.
        He whispered, lacked affect. He’d lost
my record collection to looming debt. I

forgave him — through weak connections,
        through buzz and oceanic crackle —
                immediately, without choosing to,

                because it was him I hadn’t lost; and
        later cried myself to sleep. In that village
near Dijon, called Valley of Peace,

a pond reflected its dragonflies
        over a black surface at night, and
                the nuclear reactor’s far-off halo

                of green light changed the night sky
        to the west. A pony brayed, stamping
a hoof on inlaid stone. The river’s reeds

lovely, but unswimmable. World death
        on the event horizon; vigils with candles
                in cups. I’ve mostly replaced my records,

                and acted in ways I can’t account for.
        Cannot account for what you’re about
to do. We should be held and forgiven.

© House of Anansi Press
from: Airstream Land Yacht
Toronto: House of Anansi Press, 2006
Audio production: 2007, Literaturwerkstatt Berlin

Le compatibiliste

法文

La conscience est intermittente. Elle grésille.
        De temps à autre on te surprend
                à dormir. Pour te donner une contenance

                tu interroges le matin : est-on libre
        si l’on n’est pas libéré de la douleur ? Il commence à pleuvoir
un alliage de particules gris métallique ; les chiens

veulent sortir, se retrouver parmi leurs atlas d’odeurs ; pisser
        où ils ont pissé avant et pourraient
                bien pisser encore — bien que ça ne soit pas

                une certitude. Mais qu’est-ce qu’une certitude ? Dans
        l’ensemble appelé Phi de tous les mondes physiques possibles
semblables à celui-ci dans lequel, au moment m,

il est écrit «Est-on libre si l’on n’est pas libéré — »
        et le blocage se produit. Es-tu sûr de vouloir être
                unique, regardé, acclamé

                ou hué ? J’observe un champ de
        tournesols qui orientent leurs visages rougeauds vers
ce dont ils ont besoin et vers ce qui est bon. A midi

leurs calices sont inversés, tranche dorée,
        et j’habite la même lumière, mais je me sens
                seul. Je décide de téléphoner à mon frère,

                au sujet duquel je m’inquiète, et je le lui dis.
        Il chuchote, manque d’émotion. Il a sacrifié
ma collection de disques pour rembourser des dettes menaçantes. Je

lui pardonne — malgré la mauvaise communication
        malgré le bourdonnement et le crépitement océanique —
                d’un coup, sans réfléchir,

                parce que ce n’est pas lui que j’ai perdu ; et
        plus tard je pleure sur mon sort jusqu’à l’épuisement. Dans
ce village près de Dijon, appelé la Vallée de la Paix

un étang reflète des libellules
        sur sa surface noire, et
                le lointain halo verdâtre de la centrale

                nucléaire altère la couleur du ciel de nuit
        côté ouest. Un poney brait, tapant
du sabot contre le pavé. Les charmants roseaux

de la rivière pourtant insalubre. La mort de la planète
        à l’horizon ; des veillées silencieuses
                à la bougie. Je remplace presque tous mes disques

                et j’agis ainsi sans pouvoir me justifier.
        On ne peut pas toujours justifier ses gestes
à venir. Nous devrions tous être bercés et pardonnés.

traduit par Denise Desautels,
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

Auffahrt 01

德文 | Klaus Merz

Mein Weg führt der alten Prozessionsroute entlang,
die Kühe grasen, hornlos und still, da hebt die Braune
den Kopf, die Glocken läuten: Wandlung!  ein Türken-
paar tritt aus dem Tann, hoi!  grüsst der Mann, die Frau
senkt den Blick - um diese Zeit ziehen sie in Beromünster
den Heiland in den Dachboden hinauf – es raucht
hinterm Wald, in Baseballmütze und Schürze hütet
der Sonntagskoch seine Würste, niest: Helf dir Gott!
ruft sein Gast, ein schweres Motorrad zerschneidet
den Vogelgesang, Stau am Gotthard, meldet das Radio,
mit der Wyna zieht eine Flaschenpost langsam bachab
Richtung Rhein: Zu Pfingsten sollen eure Köpfe
schiffbar sein!  verspricht uns der Herr.

© Klaus Merz
from: Vers Schmuggel (Anthologie)
Heidelberg : Wunderhorn , 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Ascension (2001)

法文

Je longe l’ancien chemin où passaient les processions,
sans cornes, les vaches broutent paisiblement, soudain la marron lève
la tête, les cloches tintent : métamorphose ! Un couple
turc sort de la sapinière : « Hoi ! » L’homme salut, la femme
baisse les yeux – à cette heure, à Beromünster,
on monte le Sauveur au grenier. Ça fume
derrière la forêt : armé d’une casquette de base-ball et d’un tablier,
le cuisinier du dimanche veillant sur ses saucisses éternue. « A tes souhaits ! »
lui dit son visiteur ; une lourde moto étouffe
le chant des oiseaux. « Bouchon sur le Gothard. », signale la radio,
un courrier en bouteille descend doucement la Wyna
vers le Rhin. « A la Pentecôte, vos têtes
seront navigables ! » annonce le Seigneur.

traduction: Denise Desautels
© Denise Desautels