Stéphane Despatie
tu es là et tu regardes ma mère et mes fils te voler des vers (extraits)
and you watch
my mother and my children
steal poetry from you ), 德文 (du bist da
und siehst zu
wie meine mutter und meine söhne
dir verse stehlen)
tu es là
et tu regardes
ma mère et mes fils
te voler des vers (extraits)
marcher incroyant
dans ces lieux immobiles
où la chance de la voir
forme un risque impossible
j’avance en mes fils
sans oublier leurs voix
ni la sensation de leur peau
se glissant sous mes doigts
m’échappe
une certaine absence
de certaines mémoires
sous ma peau, sans la peur
je me la rappelle
se fondre en moi
lentement
d’amour amical
et mes fils se rocaillent
en rase-femmes
contre moi
en l’absence
de racines en mon mal
aux fondations mouvantes
je ne parle plus, j’écoute
l’effet de la glace qui craque
sur mon visage incendié
où la haine se perd en égrenée
vers des lois dépeignées
par de justes poudreries
je vous aime en soudure
je suis éteint peut-être
et trafique mon sang
afin d’être froid
pour ne pas
mourir en mes fils
qui me manquent
je la sens maintenant
sous le soleil pervers
dénudant la peine
y montrant son sourire
ses yeux sont
en chaleur de creux de mains
où fondent nos tempêtes
où se promènent
nos hurlevents légers
où se rapprochent
nos idéaux
je vois d’ici
la croix du mont Royal
flirtant avec les nuages
ombrageant mon corps
qui, bleu à bleu
de blessure en vomissure
s’impatiente parfois
je te perce partout
et te paye une bière
au quai des âmes
dehors, la Ontario
s’intéresse à moi
je suis meilleurs client
que la Lune
et le fleuve coule
en mes yeux trop francs
où passent les ruptures
les aveux trop beaux
comme des bois pourris
négociant la surface
sur les vagues banales
je te vois
comme un fruit à la mer
tu me désintéresses
inaccessible livrée
celle par qui vient le manque
et je publie tes petites culottes
sur les colonnes Morris
j’écris ton nom
sur mon cannot
traversant les portes patios
des bourgeois
tu existes
tu es laide
et porte les vêtements
d’un autre
passé
nous devrions faire
une omelette de la postérité
s’accoupler sur un lit d’oeufs
gicler sur les murs
ou sur la grille de mon Chevrolet
autostoppeuse moderne
grimpe donc sous ma brassière
n’aie pas peur, mon sein
rougit avant d’aimer
je te raconte
la mort de ma mère
et tu pleures, ambulance
tu ramasses la colombe
égorgée vers le ciel
contre l’espoir naïf
je t’avémariarise
à l’autel des putains
ma mère aurait
aimé mes fils
j’aimerais
qu’ils me reconnaissent
un jour dans la rue
je danse en chacal
sur le toît
du confessionnal
j’y joue de la basse
et cherche du regard
mes fils
vivant quelque part
ma mère m’aimait
par-dessus l’épaule
de sa folie
elle chante encore
avec moi
une jeunesse en beauté
ma mère fume et boit du coke
je la regarde
rêver pour moi
des châteaux à venir
avec des télévisions partout
révélant les chiffres gagnants
des loteries à 50 ¢
ma mère du temps
disait: « T’enfarges pas
dans les vidanges,
descends-les ! »
et je partais propre
peigné avec de l’eau
vers l’école en bulle
et du haut de son deuxième
elle me criait :
« as-tu ton horaire, là ? »
j’étais un peu gêné
dans mon chandail des Stones
ma mère me disait
qu’il y avait des singes
dans la cour d’école
sans pourtant me dire
qu’il y avait aussi
des danseuses nues
fellationnant gratis
les p’tits pénis
des p’tits garçons
si elle avait su
je crois qu’elle m’aurait dit
que ces dandineuses étaient
droguées par des profiteurs
à l’aide de bières bues
avec une paille
je revois ma mère
ne pas dormir
quand je rentre tard
sentant le sexe de femme
ma mère me disait
de ne pas gaspiller
pour les petites filles
trop maquillées
mais d’économiser plutôt
pour des Coffee Crisp
ma mère croyait
que les Beatles faussaient
quand je chantais
en cinquième
avec le tourne-disque
ma mère m’aimait
comme elle aimait
ses peintures à numéros
et les guimauves dorées
sur le rond du poêle électrique
ma mère offrait la campagne
rue Drolet
et du fromage canadien
en pourboire
au livreur d’épicerie
qui sacrait
mais qui venait
d’une Beauce à elle
ma mère, toujours, souriait
même aux bandits
même à mes blondes
même à mon père
ma mère
aimait