José Acquelin
Déclaration des solitudes universelles
Déclaration des solitudes universelles
Je suis seul, semble dire l’objet, donc pris dans
une nécessité contre laquelle vous ne pouvez
rien. Si je ne suis que ce que je suis, je suis indestructible.
Étant ce que je suis, et sans réserve,
ma solitude connaît la vôtre.
Jean Genet
ce monde est un précipice de sanglots
sous une injustice d’étoiles
alors soyons seuls et universels
aussi égarés qu’un lampadaire
au bout d’une impasse perdue
où viennent se brûler quelques bestioles
grégaires crédules farineuses
et grillons l’air qui nous reste
hors de toutes les stupides demandes
les exigences ridicules
les prétentions asservissantes
soyons inutilement beaux
extragalactiques
loin de toute ambition solaire
ou dépendance lunaire
bref
ne répondons plus de rien
ou alors
soyons aussi imparablement exacts
que la dérision voulant nous commander
en lui répliquant par la gratuité
des sans-but-ni-cause
pour vraiment être
seuls et universels
poivrement impénitents
innégociables irréductibles
salement pas de ce monde
terriblement seuls
inexorablement universels
nous refusons les rancœurs
nous réfutons les culpabilisations
nous récusons même nos regrets
de n’avoir pas su vous obéir
ce monde ça fait si longtemps
que ça ne s’améliore pas
que nous ne nous sentons plus
obligés de le supporter
nous sommes sans blason ni raison
définitivement extradés de vos couardises
nous n’avons plus le courage de vos abdications
nous avons l’impolitesse de l’isolement
qui dit oui à tout sauf à vous
experts en vétilles bétonnées
vous les filandreux de l’inavalable
nous avons tout donné
et comme ce n’était pas suffisant
nous sommes morts à vos suffisances
pour mieux ne pas être
de votre nombrosité locale
réduite à son bocal hermétique
nous nous sommes distillés ailleurs
dispersés en solitudes universelles
sans pays ni planètes
nous voici donc errants
air en l’air autre que le vôtre
nous sommes indomesticables
aussi sauvages que les bêtes intelligentes
qui préfèrent mourir loin de vous
et dont vous ne pourrez faire
des trophées ou des atrophiées
mais nous ne sommes pas morts
nous sommes seuls et universels
en paix et sans plus
sans plaies et sans moins
sans pureté
et avec la pauvreté
dont vous vous rejetez
la nuit nous ne dormons plus
nous n’obéissons plus à votre jour
nous sommes les égalisateurs
de l’aube et du crépuscule
les semeurs de paradoxes
les glaneurs de multiples riens
personne ne nous reconnaît
parce que nous sommes
seuls et universels
car pour mieux voir le jour
il vaut mieux ne pas rater
sa nuit