Jacques Darras

francoščina

Odile Kennel

nemščina

Volatilisation d’Édouard Darras au Bois de la Gruerie le 24 septembre 1914

Pourquoi croyez-vous que 1914 m’importe?
Pourquoi croyez-vous que 1914 m’est fatidique à ce point!?
Parce que la date dit le destin, fatum dicere.
Parce que j’ai sous les yeux photographie d’un couple elle
assise lui debout devant une haie.
Frêle lui c’est, dirait-on, mon père.
C’est le sien.
Taille fine, seins ronds sous la robe, fossettes aux joues,
c’est, dirait-on, ma soeur.
Sa petite-fille.
Le photographe les fait lire à même un livre ouvert.
Ce n’est pas le bon livre !
Très vite la vie va se refermer devant eux.
Leur éclater au visage aux yeux aux oreilles.
La vie la vi-o-lence (diphtonguez bien)
La vie dévoyée, dévoyellée – la mort.
Après cette photo, plus rien !
99
Vos souvenirs deviennent mes souvenirs mémoire
unanime anonyme.
Vous moi entrons dans les allées d’un vaste cimetière
nécropole.
Appelez-le roman familial ou national.
J’arrive de mon côté avec l’outil-poème, il est tard, je suis
jardinier des vides.
Je mesure les intervalles.
Il m’aura d’abord fallu vivre ma propre vie, accompagner
mon père jusqu’au bout de la sienne.
Il m’aura fallu attendre la nuit pour lire au livre entr’ouvert
de ma propre lignée.
Dans les vides.
J’ai un compteur à vies à vides interrompus.
J’allume, j’entends rumeur d’ondes radio.
Je suis capteur d’émissions particulières au parterre de
vies florales mortes.
J’ensemence conditionnel d’existences qui eussent pu
avoir lieu.
Je me fais raccommodeur de logiques naturelles.
*
Tu es dans l’ovale d’une photo.
Tu es en 1914, tu as 27 ans.
Tu te fais photographier on ne sait jamais.
Tu as raison, ce sera ton unique ultime portrait.
Tu as cheveux bruns col amidonné.
Tu as des yeux francs, marron semble-t-il.
Tu portes moustache claire, lèvres épaisses.
Bien dessinées.
Tu as lavallière & veston noir.
Tu sors d’adolescence, jamais ne sauras l’art d’être grandpère.
Sache ceci.
Je porte ton nom, j’ai ton prénom inclus dans le mien.
Jacques-Édouard Darras.
Je me fais l’effet d’un personnage royal.
Je suis fier de toi.
Je suis fier de nous.
*
Parce que tu aurais pu être aussi bien qu’un autre le
«!soldat inconnu ».
Je serais allé ranimer ta flamme à l’insu de la Nation
entière.
Les soirs de grand vent d’ouest qui la font plier jusqu’au
pavage.
Parce que tu aurais facilement pu te tenir au garde-à-vous
couché.
Si tu n’avais fait le rebelle absolu, l’invisible total, l’anarchiste
déserteur.
L’immatériel de la mémoire même.
Toi, Édouard, pulvérisé le 24 septembre au Bois de la
Gruerie.
*

© Jacques Darras
Iz: Je sors enfin du Bois de la Gruerie
Arfuyen, 2014
ISBN: 978-2-845-90199-5
Avdio produkcija: Literaturwerkstatt Berlin 2014

Das spurlose Verschwinden des Édouard Darras im Forst von La Gruerie am 24. September 1914

Warum denken Sie interessiert mich 1914?
Warum denken Sie scheint mir 1914 so fatal?
Weil Datum Schicksal voraussagt, fatum dicere.
Weil ich das Foto eines Paares vor mir habe, sie sitzend er stehend vor einer Hecke.
Er schmal, sieht aus wie mein Vater.
Ist dessen Vater.
Sie feine Taille, runde Brüste unterm Kleid, Wangengrübchen, sieht aus wie meine Schwester.
Seine Enkelin.
Der Fotograf lässt sie ein aufgeklapptes Buch lesen.
Es ist das falsche Buch!
Sehr schnell wird sich das Leben für sie wieder zuklappen.
Wird ihnen ins Gesicht in die Augen um die Ohren fliegen.
Vom wallenden Leben zur waltenden Gewalt (achten Sie bitte auf eine deutliche Aussprache)
Das Leben auf Irrwegen, irre Parabel – der Tod.
Nach diesem Foto – finito!
Meine Erinnerungen Ihre Erinnerungen alles eins, die Geister scheiden sich nicht unterscheiden sich nicht.
Ich und Sie betreten die Alleen einer totenstädtischen Totenstätte.
Nennen Sie sie Familienroman Roman einer Nation.
Ich meinerseits bring mein Gedichtwerkzeug mit, ich bin spät dran, bin der Gärtner der Leere.
Ich vermesse die Zwischenräume.
Musste mein eigenes Leben erst leben, meinen Vater bis an sein Lebensende begleiten.
Musste die Nacht abwarten um im halboffenen Buch meiner Herkunft zu lesen.
In den Leerstellen.
Mein Zähler zählt unterbrochene Leben unterbrochene Leere.
Ich schalte ihn ein, erlausche Radiowellenrauschen.
Ich empfange seltene Sendungen auf floralen Totenrabatten.
Ich säe den Konditional der Leben die ihren Lauf hätten nehmen können.
Ich werde zum Flickschuster natürlicher Logik.

*

Du im Oval eines Fotos.
Du im Jahr 1914, 27 Jahre alt.
Du lässt dich ablichten, man weiß ja nie.
Du hast Recht, es bleibt bei diesem ersten letzten Porträt.
Du hast braune Haare, Kragen gestärkt.
Du hast offenen Blick, braune Augen, wie es scheint.
Du trägst hellen Schnauzer, hast volle Lippen.
Wohl geformt.
Du trägst Krawattentuch & schwarzes Sakko.
Du hast gerade erst die Jugend hinter dir, wirst nie die Kunst des Großvaterseins kennen.
Du sollst dies wissen:
Ich trag deinen Namen, dein Vorname ist ein Teil von mir.
Jacques-Édouard Darras.
Ich komme mir irgendwie königlich vor.
Ich bin stolz auf dich.
Ich bin stolz auf uns.

*

Weil das Grabmal des unbekannten Soldaten genauso gut deins sein könnte.
Ich würde unbemerkt von der Nation dein Flämmchen wieder neu beleben.
An Abenden mit Wind von West, wenn es sich bis zum Pflaster neigt.
Weil die Habachtstellung im Liegen die Stellung deiner Wahl sein könnte.
Doch du bist ein Rebell, ein komplett Unsichtbarer, ein Anarchist in Desertion.
Bist Nichtmaterie der Erinnerung.
Du, Édouard, am 24. September im Forst von La Gruerie verheizt. (…)

Aus dem Französischen übersetzt von Odile Kennel