Jacques Darras

francoščina

Odile Kennel

nemščina

Chimay

Qu'est-ce qui nous fait tellement aimer une frontière ?
Pourquoi ce tremblement au moment de la traverser ?
Comme lorsque vient le moment de conclure l'acte amoureux.
Comme lorsqu'on refoule l'air au fond de la poitrine pour laisser
             venir à soi l'émotion des deux corps.
Comme lorsqu'on s'éloigne courtoisement pour permettre aux :
             chairs de débattre.
De marquer leur territoire animal.
Comme s'il y avait terreur dans territoire.
Comme s'il y avait terreur dans le mot terre.
Arrive le moment de l'entre-deux.
Curieusement s'opèrent tout ensemble trêve combat.
Curieusement alors les deux amants cessent chacun de
             s'appartenir.
Chacun l'un à l'autre révélés.
Il y a quelque chose de semblable dans le passage d'une
             frontière.
L'histoire de la terre est histoire d'amour.
L'histoire de l'amour que la terre a pour elle-même.
Qu'on nomme géographie.
L'histoire de tout amour véritable est histoire de crainte en effet.
Tout amour véritable est crainte de l'amour.
Tremblement de crainte que l'amour éprouve au moment décisif.
Au moment d'abandonner la terre de son propre corps.
Au moment de la plus grande maîtrise du plus grand abandon.
Nous n'avons d'autre crainte en vérité que celle de l'amour.
Que de savoir où passe la frontière de l'amour.
Où passent les lignes amoureuses entre femmes hommes.
Que de savoir où les lignes entre pays doivent être tracées.
Notre histoire notre incapacité à nous maintenir dans l'entre-deux.
Notre histoire une histoire d'amour incertaine.
Nous craignons depuis toujours de ne pas être à la latitude de
             l'amour.

© Jacques Darras
Avdio produkcija: Literaturwerkstatt Berlin 2014

Chimay

Wie kommt es dass wir Grenzen so sehr lieben?
Warum dieses Beben wenn wir sie überschreiten?
Wie im Moment in dem wir zum Liebesakt schreiten.
Wie wenn wir die Luft in der Lunge zurückhalten die Erregung
             zweier Körper an uns heranlassen.
Wie wenn wir uns höflichst entfernen auf dass die Körper
             alleine verhandeln.
Ihr tierisches Territorium markieren.
Als steckte in Territorium Terror.
Als steckte in Land Gewalt.
Kommt der Moment des Zwischenraums.
Erstaunlicherweise erfolgen Waffenruhe Schlacht zusammen.
Erstaunlicherweise hören die Geliebten dann auf sich zu
             gehören.
Enthüllen sich jeder dem anderen.
Beim Überqueren der Grenze passiert etwas ganz Ähnliches.
Die Geschichte der Erde ist eine Liebesgeschichte.
Die Geschichte der Liebe der Erde zu sich selbst.
Genannt Geographie.
Jede wirkliche Liebesgeschichte ist in der Tat eine Geschichte
             der Furcht.
Jede wirkliche Liebe ist Furcht vor der Liebe.
Furchtsames Beben das die Liebe im entscheidenden Augenblick
             erfasst.
Wenn wir das Land unseres Körpers aufgeben.
Im Augenblick der größtmöglichen Beherrschung der
größtmöglichen Preisgabe.
Wir fürchten in Wirklichkeit nichts so sehr wie die Liebe.
Wie nicht zu wissen wo die Grenze der Liebe verläuft.
Wo die Liebeslinien verlaufen zwischen Frauen Männern.
Nicht zu wissen wo die Linie zwischen Ländern zu ziehen ist.
Unsere Geschichte unsere Unfähigkeit im Zwischenraum zu
             verweilen.
Unsere Geschichte eine ungewisse Liebesgeschichte.
Wir fürchten seit jeher nicht auf der Höhe der Liebe zu sein.

Aus dem Französischen übersetzt von Odile Kennel
Erschienen in: Transkrit n°5 Feb. 2013 S. 119/165