Marie-Célie Agnant

francoščina

Nino Muzzi

italijanščina

UNE GUITARE DANS LA NUIT

Jenin crucifiée
ne rend pas les armes
elle guette le jour
qui percera le secret des pourquoi
le secret des comment
où réside l’espoir
de changer l’âme du monde
pour retrouver le vrai sens de la Terre
Dans Jenin bâillonnée
avec ses rues méconnaisables
Jenin qui porte un si beau nom de femme
réceptacle pourtant
de toutes les vomissures de haine
les fourmis devenues folles
fuient la tourmente au galop
Dans Jenin malgré tout
nous préférons la fleur au javelot
la gentiane nous sert de bouclier

Jenin ô Jenin
dans tes ruelles abandonnées
dans les débris sous les décombres
on perçoit le pouls de tes amours
Et tes murs
où les enfants ne tracent plus les lettres de ton nom

ni celui de leur père
et les toits de tes demeures
qui n’abritent plus que l’usure et la tristesse
tout cela ô Jenin
un sang qui brame et mugit
Ta vie s’est muée en grappes de raisins
dans la bouche des prédateurs
Et ce qui en vérité
ne devrait être
qu’une histoire simple
d’une terre à aimer
une terre belle avec ses oliviers ses fontaines
la couronne de ses palmiers
ses éclats de bonheur paisible
ou fugace
ce qui devrait planer léger
tel le chant du merle
et le vol du colibri
est aujourd’hui
sifflement de serpent
sinistre
et tellement strident

Ainsi chantait une guitare une nuit
aux abords de Jenin

et Lila les ailes à peine ouvertes
les ailes déjà si lourdes de toute la poussière
et des décombres Lila frémissait
« Le paradis mes sœurs ma mère semble bien loin
mais dans ton sein déjà ô mère
souviens-toi
souviens-toi je rêvais d’horizon
je pensais fraternité toutes frontières abolies
ma chanson n’avait qu’un refrain aujourd’hui la vie »
Elle disait ces mots Lila en fermant les yeux
pour ne pas laisser ses larmes s’échapper
tandis que les voix
toujours les voix
lui soufflaient
qu’il faut prendre le risque
de changer même les choses simples
Autant de voix
autant de morsures
elle se découvrait Lila
si impuissante
face à l’âme de ces choses
en réalité trop simples
Était-elle simplement trop simplement femme
lorsqu’elle fermait les yeux
se voilait le regard

pour fuir les voix et détourner les chuchotements
qui vrillaient son cœur
trouaient ses tympans
Mais lorsqu’elle fermait les yeux
elle était ce cygne dérivant sur le fleuve en crue
ce cygne guetté par les oiseaux de proie
qui attendaient
tournoyaient
le bec ouvert dans le ciel de Jenin
l’enfer dans le regard
prêts à lui essorer le plumage

Certaines nuits les voix se faisaient clairon
il y a si longtemps que nous avons mal
si longtemps
si longtemps
nous ne comptons plus les années
Lila tressaillait
« Je pourrais me permettre de pleurer pensait-elle
fille du Levant fille de Jenin je suis
la pluie ne laissera nul sillon de tristesse sur mon visage »
Pleure Lila le chant reprenait
prends goût si tu veux à l’ivresse des larmes
puisque ton sommeil ne peut être paisible
Jamais tu n’auras pour berceau

les bras d’un amant qui soit aussi ton frère
les bottes les fusils et le soufre
sont entrés dans Jenin
et ton frère depuis
ne connaît plus le nom
qui fait de lui un homme
Pleure donc ô Lila

Pleure avant que tes larmes ne perdent leur brillance
mais tisse n’oublie pas
un linceul pour la tristesse
et continue à chercher même dans la nuit
la route dessinée jadis
par tes racines
Ne pas être une lampe sans lumière
les voix montaient
tel est le cri qui nous voit naître et nous accompagne
fais tien ce credo inébranlable
dans l’obscurité la plus totale
poursuis la clarté

« Qui peut déchiffrer dans les lignes de mes mains
ô mes sœurs
les traces qui annonçaient ces saisons d’errance loin de Jenin

Dans ma poitrine piaffe et tressaille un cœur nomade
il ne trouve d’ancrage nulle part »
Elle disait cela Lila
et on croyait entendre les frissons d’une guitare
pleurant son dernier chagrin
sur les berges de quelque fleuve
S’élevait en même temps
une rumeur de mots échevelés
voix lancinantes
laves rameutées en un flot sauvage
voix pressantes
exténuées pourtant tenaces
elles montaient houles opiniâtres remous
réclamant à grands cris
que naisse enfin cet autre monde

La guitare obstinément
pleurait son chant polyphonique
ne pas rendre les armes
malgré les larmes
Jenin aujourd’hui entre ton cœur et ton âme
ce territoire au-dedans de toi
Pareil à l’océan ton cœur Lila
jamais ne se videra de la puissance d’aimer
Sur les terres meurtries nous aimerons encore

le dos courbé nous aimerons toujours
et nous irons toujours insatiables vers l’amour
au bout du chemin
nous brandirons
notre refus d’une humanité défroquée

Au bord de quelle rivière
pleurait cette guitare
Elle portait le nom de tant de terres disloquées
mais les pleurs ce jour-là
ruisselaient dans le ciel de Jenin
Chant de syllabes disjointes
voix d’une guitare en enfer
la nuit s’y était engouffrée
Que cette voix et la nuit
dans Jenin meurtrie
cette voix et la danse des vautours
cette voix dans ces langues égarées
langues démembrées
à ne plus pouvoir agencer deux syllabes
juste deux
ô combien brèves
deux syllabes cinq lettres
pour dire Jenin

Là-haut les bombes rugissaient
en bas les bulldozers
Dans Jenin déserte une femme enlacée à son olivier
son visage porte la couleur gris-verdâtre de la frondaison
son arbre tel un amant mort qu’elle étreint
a l’âge de la Terre
ses racines flottent dans l’air gris de poussière
ses racines désormais
comme ton cœur nomade ô Lila
ses racines guettées par les vautours comme le cygne sur le fleuve
les vautours qui tournoient même autour des langues de feu
les vautours qui ne craignent ni le fer ni les cris
les vautours font la ronde dans ton sommeil et dans le sien
les vautours sans cesse un œil allumé

Jenin ô Jenin
les femmes pleurent un long chant d’agonie
elles pleurent aussi leurs hommes qui n’ont plus de nom
et leurs enfants privés d’enfance
Ô Jenin le chant ne suffit pas
sur cette terre démembrée
nos vies
loin de l’amour
se consument
comme des brindilles

© Pleine lune
Iz: Femmes des terres brûlées
Montréal: Pleine lune, 2016
Avdio produkcija: Haus für Poesie, 2020

Una chitarra nella notte

Jenin crocifissa
non depone le armi
spia il giorno
che forerà il segreto dei perché
il segreto dei come
dove risiede la speranza
di cambiar l’anima del mondo
per ritrovare il vero senso della Terra
A Jenin imbavagliata
con le sue vie irriconoscibili
Jenin che porta un sì bel nome di donna
eppure è ricettacolo
di tutti i rigurgiti dell’odio
le formiche impazzite
fuggono la tormenta al galoppo
A Jenin tuttavia
noi preferiamo il fiore al giavellotto
la genziana ci serve da scudo

Jenin oh Jenin
nei tuoi vicoli abbandonati
nei detriti sotto le macerie
si sente il polso dei tuoi amori
E i muri
dove i bimbi non tracciano più le lettere del tuo nome
né quello dei loro padri
e i tetti delle tue dimore
che non coprono più che l’usura e la tristezza
tutto questo oh Jenin
un sangue che bramisce e mugghia
La tua vita si è mutata in grappoli d’uva
nella bocca dei predatori
E ciò che in verità
dovrebbe solo essere
una storia semplice
di una terra da amare
una bella terra con i suoi olivi le sue fontane
la corona dei suoi palmizi
i suoi lampi di gioia serena
o fugace
ciò che dovrebbe planare leggero
come il canto del merlo
o il volo del colibrì
oggi è sibilo di serpente
sinistro
e talmente stridulo.

Così cantava una chitarra una notte
nei dintorni di Jenin
e Lila con le ali appena aperte
con le ali già pesanti di tutta la polvere
e delle macerie Lila fremeva
“Il paradiso le mie sorelle mia madre sembra ben lontano
ma nel tuo seno già o madre
ricordati
ricordati io sognavo di orizzonti
pensavo alla fraternità che abolisce ogni frontiera
la mia canzone aveva un solo ritornello oggi la vita”
Diceva queste parole Lila chiudendo gli occhi
per non farsi uscire le lacrime
mentre le voci
sempre le voci
le sussurravano
che bisogna rischiare
di cambiare persino le cose semplici
Tante voci
tante morsicature
Lila si scopriva
così impotente
di fronte all’anima di quelle cose
in realtà troppo semplici
Forse lei era troppo semplicemente donna
quando chiudeva gli occhi
si velava lo sguardo
per fuggire le voci e sviare i bisbigli
che torcevano il suo cuore
perforavano i suoi timpani
Ma quando lei chiudeva gli occhi
lei era quel cigno alla deriva sopra un fiume in piena
cigno insidiato dagli uccelli di rapina
che aspettavano
volteggiavano
col becco aperto nel cielo di Jenin
con l’inferno nello sguardo
pronti ad avvinghiargli il piumaggio

Certe notti le voci si fanno tromba
ed è da tanto tempo che stiamo male
tanto tempo
tanto tempo
noi non contiamo più le annate
Lila trasaliva
“Io potrei permettermi di piangere pensava lei
figlia del Levante figlia di Jenin io sono
la pioggia non lascerà nessun solco di tristezza
sul mio viso”
Piangi o Lila il canto riprendeva
prendi gusto se vuoi all’ebbrezza del pianto
poiché il tuo sonno non può esser piacevole
Non avrai mai per culla
le braccia di un amante che ti sia anche fratello
gli stivali i fucili lo zolfo
sono entrati in Jenin
e tuo fratello poi
non conosce più il nome
che fa di lui un uomo
Piangi dunque o Lila
Piangi prima che le lacrime non perdano di smalto
ma tessi non scordare
un sudario per la tristezza
e continua a cercare persino nella notte
la strada allora segnata
dalle tue radici
Non essere una lampada senza luce
le voci salivano
tale è il grido che ci vede nascere e che ci accompagna
fa’ tuo quel credo incrollabile
nella più totale oscurità
insegui la chiarità

“Chi può decifrare nelle linee della mia mano
sorelle mie
le tracce che annunciavano queste stagioni di erranza
lontano da Jenin
Nel mio petto scalpita e sussulta un cuore nomade
non trova ancoraggio da nessuna parte”
Diceva questo Lila
e pareva di sentire le vibrazioni di una chitarra
che piangeva la sua ultima disgrazia
sulle sponde di qualche fiume
Saliva al contempo
un rumore di parole confuse
voci lancinanti
lave raccolte in un fiotto selvaggio
voci pressanti
estenuate eppure tenaci
salivano onde ostinate turbinii
che a gran voce chiedevano
che nasca finalmente quell’altro mondo

La chitarra ostinatamente
piangeva il suo polifonico canto
non consegnare le armi
malgrado le lacrime
Jenin ora fra il tuo cuore e la tua anima
questo territorio è dentro di te
Simile all’oceano il tuo cuore Lila
non si svuoterà mai della potenza di amare
Sulle terre straziate noi ameremo ancora
e andremo sempre insaziabili verso l’amore
al termine del cammino
noi brandiremo
il nostro rifiuto di una umanità negata

In riva a quale fiume
piangeva questa chitarra
il fiume portava il nome di tante terre dislocate
ma i pianti quel giorno
si scioglievano nel cielo di Jenin
Canto di sillabe disgiunte
voce di chitarra all’inferno
la notte vi si era insinuata
Questa voce e la notte
a Jenin martirizzata
questa voce e la danza degli avvoltoi
questa voce nelle lingue sperdute
lingue smembrate
da non riuscir neppure a pronunciare due sillabe
due soltanto
oh quanto brevi
due sillabe cinque lettere
per pronunciare Jenin

Là in alto le bombe ruggiscono
qua giù sotto i bulldozer
Nella Jenin deserta una donna abbracciata al suo olivo
dal viso color grigio-verdastro della chioma
il suo albero come un amante morto che lei stringe
ha l’età della Terra
le sue radici si agitano nell’aria grigia di polvere
ormai soltanto le radici
come il tuo cuore nomade, o Lila
le sue radici spiate dagli avvoltoi come il cigno sul fiume
gli avvoltoi che ruotano ormai persino attorno alle lingue di fuoco
gli avvoltoi che non temono né il ferro né le grida
gli avvoltoi fanno la ronda nel tuo sonno e nel suo
gli avvoltoi sempre con un occhio acceso

Jenin oh Jenin
le donne piangono un lungo canto d’agonia
piangono anche i loro uomini che non hanno più nome
e i loro figli privati d’infanzia
Oh Jenin il canto non basta
su questa terra lacerata
le nostre vite
lontane dall’amore
si consumano
come dei fuscelli

Traduzione: Nino Muzzi