Serge Roger
UNE ESCALE À PARIS
Il attendait que l’avion arrivât afin qu’il pût se sentir un peu plus en sécurité. Un peu plus humain et peu moins étranger dans cet aéroport où personne ne le regardait. Alors que le temps passait à peine, il posa les yeux sur le journal que son voisin d’il y a une minute laissa sur le fauteuil comme on laisse ses empreintes sur le sable d’une plage qui nous semble familière.
A ce moment, il était encore plus sûr d’une chose : il n’était pas chez lui. Cela le rendait encore moins sûr de ses pas.
Alors, il eut peur et du mal à respirer.
Dans cette salle, le froid s’accrochait à chaque horloge et à chaque minute qui fuyait. Là, à ce moment précis, il rêvait d’une boutique où il pourrait se procurer des morceaux de soleil pour les accrocher à ses peurs, son cœur et à ces sourires froids autour de lui.
Mais rien n’y fit. Ce n’était qu’un rêve, qu’une de ces folles envies qui nous passent comme elles viennent. Il regarda sa montre. Encore une heure, pour être enfin (ou peut-être) libre. Dans sa tête s’entrechoquaient, des milliers et des milliers de je-ne-sais-quoi.
Des haillons de poèmes.
Des images de son pays adoré.
Des souvenirs de baisers échangés quelque fois sans le vouloir
Des étoiles qui se dévêtaient de leurs espoirs.
Mais rien n’y fit. Ce n’était juste qu’un rêve, qu’une de ces folles envies qui nous passent comme elles viennent.
Il aurait bien aimé voir le sourire de l’homme pour de vrai. Etait-ce une chimère ? L’homme blanc pouvait-il sourire ? Lui arrivait-il d’avaler des morceaux de soleil pour faire sien le goût divin de ce bonheur inextinguible d’être avec l’autre ?
Pour passer le temps, il se sourit à lui-même. Cela marcha car son avion était prêt.
Prêt à embarquer. Prêt à se rapprocher du ciel et du soleil.
Il s’était promis de cueillir quelques morceaux de soleil pour les pendre à ses prochains rêves.
Dans quelques minutes, il quittera Paris pour Berlin…