Stéphane Despatie 
Translator

on Lyrikline: 8 poems translated

from: английский, немецкий to: французский

Original

Translation

Summer Nights, Walking

английский | Ryan Van Winkle

a world quiet as black
and white and warm
as an ironed collar. So,
I want to say sorry

for forgetting to hang
my shirt where my shirt belonged.
You could say I learned something

in the drain of this year,
in coffee grounds, stems
of basil and Chernobyl spewing
all over the radio. That city too

quiet in the summer, full of shadows paused
on garage doors. And tonight I stumbled
into a photo of trees felled in an eye,

all trunk and splinter
the way your spine dimpled
where it forked. So, I am sorry

for forgetting how love is, how supple
trees bend, how hard hearts break,
how the wind, the snow, the evacuated
rock and chaos.

© Ryan van Winkle
from: The Good Dark
London: Penned in the Margins, 2015
Audio production: Ryan van Winkle & Colin Fraser (Culture Laser productions)

Nuits d’été en marche

французский

un monde aussi calme que noir
et blanc et chaud
qu’un col repassé. Alors,
je veux m’excuser

d’avoir oublié d’accrocher
ma chemise là d’où ma chemise venait.
Tu pourrais dire que j’ai appris quelque chose

dans la lie de cette année,
dans le marc de café, les tiges
de basilic et Tchernobyl crachant
partout à la radio. Cette ville, trop

tranquille l’été, est remplie d’ombres suspendues
sur les portes de garage. Et ce soir, j’ai trébuché
sur une photo d’arbres abattus dans l’oeil,

le tronc fendu en éclats
à la manière de ta colonne alvéolée
là où elle a fourché. Alors, je suis désolé

d’avoir oublié ce qu’est l’amour et la souplesse
des arbres, comment les coeurs durement se brisent,
comment le vent, la neige,
la roche et le chaos soufflés.

Traduit par Stéphane Despatie

Window, Not Sky

английский | Ryan Van Winkle

We dreamed and a bird flew
into our bedroom window

like a heavy book
dropped in the dark.

Not a crack appeared
in your eyes but this lingers

inside me like that dream
when we were in bed and you spoke

with her mouth
at my shivering dick,

saying, “I love you, I know what you love.”
Even dreaming I knew this was wrong

but my dick is a simple machine, a straw.
Her mouth was hot as blood

and as you slept she cut me open, smiled
and swallowed so hard I had to pull

your gold hair apart and kiss your cheeks
as if I'd never loved another, as if I knew

you would die.
                            So now I can't fall

back to sleep and wake you up
the slow way in which I'd fix you a bath.

We go outside. The grass is damp and gets caught
between our toes and we find this bird,

his neck broken by clear, sunlit sky –
more like a fish than a bird. His wings

folded behind his back in prayer.
His body below a window
hard as waking, sharp as grass.

© Ryan van Winkle
from: The Good Dark
London: Penned in the Margins, 2015
Audio production: Ryan van Winkle & Colin Fraser (Culture Laser productions)

Une fenêtre, pas de ciel

французский

Nous rêvions et un oiseau est entré
par la fenêtre de notre chambre

comme un livre lourd
s’échappant dans le noir.

Pas une fissure dans tes yeux
n’apparaissait, mais cela s’attarde

à l’intérieur de moi comme ce rêve
où nous étions au lit et tu parlais

avec sa bouche
sur ma queue grelottante

disant je t’aime, je sais ce que t’aimes.
Même en rêvant, je savais que c’était mal,

mais ma queue est un simple appareil, une paille.
Sa bouche était chaude comme le sang

et pendant que tu dormais, elle m’a coupé, souriant
et avalant si fort que j’ai dû tirer

tes cheveux d’or vers l’arrière et embrasser tes joues
comme si je n’avais jamais aimé une autre, comme si je savais

que tu allais mourir.
                                        Alors maintenant, je ne peux plus

tomber endormi et te réveiller
doucement comme si je te préparais un bain.

Nous allons dehors. L’herbe est humide, se prend
entre nos orteils, et nous trouvons cet oiseau,

le cou brisé par le ciel dégagé et ensoleillé.
C’est plus un poisson qu’un oiseau. Ses ailes

repliées dans son dos comme une prière.
Son corps sous la fenêtre,
dur comme un réveil, tranchant comme l’herbe.

Traduit par Stéphane Despatie

The Flood

английский | Ryan Van Winkle

Furniture, photos,
petals floating in water.

It was spring and the river
bloomed and rose.

© Ryan van Winkle
from: Tomorrow, We Will Live Here
London: Salt Publishing, 2010
Audio production: Ryan van Winkle & Colin Fraser (Culture Laser productions)

L’inondation

французский

Des meubles, des photos,
des pétales flottant sur l’eau.

C’était le printemps et la rivière
se couvrait de rose et gonflait.

Traduit par Stéphane Despatie

Theatre of the Stone Chapel (Abades)

английский | Erín Moure

In one of its cornices are the two boots of a man
In one of the stone canzorros
If you listen you can hear him walk
His walk is stone and
his gasoline is stone
and his quill is stone
 
that’s why he hasn’t written
because his quill is stone

that’s why he hasn’t come yet
his gasoline is stone

that’s why at night you hear him walking
his boots are stone

even his field of corn is stone
and his mother is water

© House of Anansi Press / Erín Moure
from: Little Theatres
Toronto: House of Anansi Press, 2005
Audio production: 2007, Literaturwerkstatt Berlin

Théâtre de la Chapelle de Pierre (Abades)

французский

Sur l’une de ses corniches il y a les deux bottes d’un homme
Sur l’un des canzorros de pierre
Si tu écoutes tu peux l’entendre marcher
Sa démarche est de pierre et
son essence est de pierre
et sa plume est de pierre

c’est pourquoi il n’a pas écrit
parce que sa plume est de pierre

c’est pourquoi il n’est pas encore arrivé
son essence est de pierre

c’est pourquoi la nuit tu l’entends marcher
ses bottes sont de pierre

même son champ de maïs est de pierre
et sa mère est d’eau

traduit par Stéphane Despatie,
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

Theatre of the Millo Seco (Botos)

английский | Erín Moure

I am in the little field of my mother
Her field touches
oaks of the valley
and I touch the faces of my corn

Opening corn’s faces
so that my hands touch its braille letters
The face of corn is all in braille
the corn wrote it

Fires will burn this evening
burn the dry husks of the corn
and I will learn to read
Sheep will wait by the trough
for they know corn’s feature, corn’s humility

corn’s dichten

grain’s

granite too

© House of Anansi Press / Erín Moure
from: Little Theatres
Toronto: House of Anansi Press, 2005
Audio production: 2007, Literaturwerkstatt Berlin

Théâtre du Millo Seco (Botos)

французский

Je suis dans le petit champ de ma mère
Son champ touche
les chênes de la vallée
et je touche les visages de mon maïs

Les visages du maïs qui s’ouvrent
de telle manière que mes mains touchent ses lettres en braille
Le visage du maïs est tout en braille
le maïs l’a écrit

Des feux vont brûler ce soir
brûler l’enveloppe sèche du maïs
et j’apprendrai à lire
Le mouton attendra à côté du râtelier
parce qu’il connaît les signes du maïs, l’humilité du maïs

la poésie du maïs

celle du grain

granit également

traduit par Stéphane Despatie,
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

Theatre of the Hope of a Cebola (Santiso)

английский | Erín Moure

On the hill there is no hay
but rain

no hay for a hayrick but
small rivulets singing the grass down

An onion has toppled off a high cart
the chest of the high cart has gone on past the hill

if pressed with a shoe an onion toppled
may take root

Will a shoe ever find it
how can we know

will the onion find a mouth to eat it
how can we ever know

In the channels of water :
small blue rivulets of blue

© House of Anansi Press / Erín Moure
from: Little Theatres
Toronto: House of Anansi Press, 2005
Audio production: 2007, Literaturwerkstatt Berlin

Théâtre de l’Espoir d’un Cebola (Santiso)

французский

Sur la colline il n’y a pas de foin
mais la pluie

pas de foin pour faire une meule mais
des petits ruisselets chantant dans l’herbe couchée

Un oignon est tombé d’une haute charrette
la caisse de cette haute charrette a déjà passé la colline

s’il est pressé par une chaussure un oignon largué
peut prendre racine

Une chaussure le trouvera-t-elle jamais
comment le saurions-nous

l’oignon trouvera-t-il une bouche pour être mangé
comment le saurions-nous jamais

Dans les canaux :
des petits ruisselets bleus de bleu

traduit par Stéphane Despatie,
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

Theatre of the Green Leira (Mandúa)

английский | Erín Moure

Is bad weather coming
how would we know
Is bad weather coming
call everyone

I am all alone cutting the grass or grain
cutting the wood I am alone
splitting it open carrying it to the crib
Call everyone, put the white table out in the yard
sharpen the knives the scythes
bring out the books now
sharpen the clock’s knives too

where did we read any of this
my heart mad with beating
I might lie down here in this field before you come

call everyone
the flies are singing their hymnal hum hum ai ai
how would we know

the needles of the clock are cutting down the names of the hours

© House of Anansi Press / Erín Moure
from: Little Theatres
Toronto: House of Anansi Press, 2005
Audio production: 2007, Literaturwerkstatt Berlin

Théatre du Leira Vert (Mandúa)

французский

Est-ce que le mauvais temps arrive
comment le saurions-nous ?
Est-ce que le mauvais temps arrive
appelle tout le monde

Je suis seul à couper l’herbe ou le grain
à couper le bois je suis seul
à le fendre à le porter à la remise
Appelle tout le monde, mets les tables blanches dans la cour
aiguise les couteaux les faux
sors les vivres maintenant
aiguise les couteaux des horloges également

Où avons-nous lu tout cela
mon cœur peine sous le rythme
Peut-être serais-je allongé dans ce champs avant votre arrivée

appelle tout le monde
les mouches chantent leur hymne hum hum  ai ai
comment le saurions-nous

les aiguilles de la pendule retranchent les noms des heures

traduit par Stéphane Despatie,
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

der westen

немецкий | Jan Wagner

der fluß denkt in fischen. was war es also,
das sergeant henley ihm als erster
entriß, die augen gelb und starr, die barteln
zwei schürhaken ums aschengraue maul,
das selbst die hunde winseln ließ?

die stromschnellen und ihre tobende
grammatik, der wir richtung quelle folgen.
die dunstgebirge in der ferne,
die ebenen aus gras und ab und zu
ein eingeborener, der amüsiert
zu uns herüberschaut und dann
im wald verschwindet: all das tragen wir
in adams alte karte ein, benennen
arten und taten. fieber in den muskeln
und über wochen die diät aus wurzeln
und gottvertrauen. unterm hemd die zecken
wie abstecknadeln auf der haut: so nimmt
die wildnis maß an uns.

seltsames gefühl: die grenze
zu sein, der punkt, an dem es endet und
beginnt. am feuer nachts kreist unser blut
in wolken von moskitos über uns,
während wir mit harten gräten
die felle aneinander nähen, schuhe
für unser ziel und decken für die träume.
voraus das unberührte, hinter uns
die schwärmenden siedler, ihre charta
aus zäunen und gattern; hinter uns
die planwagen der händler,
die großen städte, voller lärm und zukunft.

© 2016 Hanser Berlin im Carl Hanser Verlag GmbH & Co. KG, München
from: Selbstporträt mit Bienenschwarm. Ausgewählte Gedichte 2001- 2015
Berlin: Hanser Berlin, 2016
Audio production: Literaturwerkstatt Berlin 2010

l’ouest

французский

le fleuve pense en poissons. alors c’était quoi,
ce que sergent henley déchira
en premier, les yeux jaunes et fixes, les barbillons
deux tisonniers autour de la gueule cendre
qui fit gémir même les chiens?

les rapides et leur grammaire
déchaînée, que nous suivions direction source.
des montagnes de brume au loin,
des plaines d’herbe et de temps en temps
un natif amusé
nous regarde et alors
disparaît dans la forêt: nous inscrivons tout ça
sur la vieille carte d’adam, nommons
les espèces et les faits. fièvre musculaire
et des semaines au régime de plantes vasculaires
et la foi en dieu. sous la chemise les tiques
des épingles sur la peau: ainsi se mesure
à nous la nature.

un sentiment étrange: être
la lisière, le point où tout finit,
où tout commence. près du feu notre sang de nuit circule
en nuages de moustiques au-dessus de nous,
pendant qu’ensemble se cousent les fourrures
avec des arêtes dures, des chaussures
pour notre destination, des peaux pour les rêves.
devant l’immaculé, derrière
les colons déversent leur charte
de clôtures et de treillis; derrière nous
les voitures à bâche des commerçants,
les grandes villes, pleines de bruit et d’avenir.

Traduction: Stéphane Despatie