François Emmanuel
Portement de ma mère (IV) [Dans la maison de l’enfance]
Portement de ma mère (IV) [Dans la maison de l’enfance]
IV
Dans la maison de l’enfance, dans le salon des conversations, ils ont placé le cercueil tout au centre, ils l’ont noyé de fleurs blanches, en bouquets, frondaisons, cascades, et de l’autre côté de la porte vitrée la grande famille est attablée pour manger, nous parlons sans trop de silences, il y a quelquefois des rires, la mort est tout à coup légère, une présence immobile derrière les vitres teintées de bistre, la mort est inexistante, toi ou moi dans la pièce voisine, vivre est une rumeur douce, à certains moments du repas tu pourrais apparaître dans l’embrasure de la porte de cuisine, déposer un plat en silence, et chacun de nous sait ou découvre l’immémoriale mélodie de cette présence, un instant plus forte que l’autre présence, tapie derrière les verres de la porte et dont tremblent les contours, quelqu’un se lève soudain de table, menaçant le fragile équilibre, un regard est happé par le ciel, une place s’est trouvée vacante, un enfant rit, regarder l’enfant comme il rit, regarder l’enfant