Gioia Kayaga
Karma
Karma
Es-tu le mur de béton, la barrière, la digue ;
ou bien le souffle et la pluie venus balayer la ville ?
Es-tu cet homme debout, qui se prend à rêver ;
ou bien son frère à genoux qui l’empêche de se relever ?
Combien valent tes bras, ta force, ton intelligence, ton temps ?
Combien pèsent ton image, tes mots, ton existence, ton sang ?
La vibration s'amplifie, le monde tremble ;
moi aussi je peux le sentir au fond de mon ventre !
Je me prépare à faire face : voici le jour où tout change,
c'est la loi du Karma, le retour du boomerang !
Qu'est-ce que j’ai dit, qu'est-ce que j’ai fait ?
Suis-je de ceux qui participent, ou de ceux qui arrêtent ;
de ceux qui méprisent ou bien de ceux qui aident ?
Ai-je rendu la terre fertile, essayé d'effacer la dette ?
Suis-je un rouage du système ou un lanceur d'alerte ?
Combien me vendent-ils la merde... Et moi ?
Et moi, à combien à on m'achète ?
Qu'ai-je imaginé pour demain, qu'ai-je laissé derrière ?
Suis-je un soutien pour les miens dans la défaite ?
Ai-je l'audace de tendre la main, de dire je t'aime ?
Qu'est-ce que j’ai fait de mes instincts, de ma colère, de mes rêves, de ma tête ?
Pourrais-je perdre ce que je possède si demain tout doit disparaître ?
La discrétion des faibles nuit plus que la rage des barbares :
tu peux pointer l'index ou te regarder dans la glace...
à quoi bon tuer le maître si tu veux juste prendre sa place ?
Défends-toi : évoque tes peurs, ton impuissance,
les doutes qui t'effleurent, l'éducation de tes parents
Avoue le malheur ou la bénédiction de ta naissance :
faut que tu craches, que tu pleures pour renaître de tes cendres
Allez ! Aies au moins la fureur d'essayer de te comprendre,
ne condamne pas l'autre pour ce que tu nourris dans ton ventre !
Plus le temps !
Plus de temps pour les compromis, les excuses, les silences,
pour les angles qu'on arrondit, qu'on polit avec patience ;
Tu vas devoir crier ta rage, tes manques, tes déviances,
jouer, danser, écrire des pages jusqu'à entrer en transe ;
réapprendre à combattre, sentir le vent
escalader des montagnes, redevenir enfant
repartir à la chasse, être à nouveau vivante,
guérir ton âme, vaincre ton propre tyran,
te reconnaître dans ton semblable, ôter la boue de tes talons,
faire entendre ta voix, être à l'écoute, demander pardon
Je sais déjà qu'il va falloir choisir mon camp,
les minutes s'échappent, que vais-je faire de mon temps ?
Dans quel état me présenterai-je lors du jugement,
quand les actes seront lourds, les apparences plus que du vent ?
Suis-je capable d'être riche quand je suis seule et dénudée ;
ou ai-je peur de perdre ce que j’ai accumulé ?
S'il n'y a plus de billets, de papier, il me reste quoi ?
Si les premiers sont les derniers, quelle est ma place ?