Yves Préfontaine
Boréal II
Boréal II
J’aimais comme frère étrange ce dur astre blond
par dessus les lacs en glace
Frère profond tel un trop grand froid sur la chair neigeuse
de l’épouse
J’aimais de mort en moi ce pays aux silences épais
sous tant de givre
et roche vitreuse
et blizzards qui font hiverner
la lucidité cruelle de la braise
Je vivais sous l’empire des noroîts
Était-ce vivre que de parler aux sources du gel ennemi
parmi notre blafarde étrangeté
Car je vivais aussi d’une mort immobile
au milieu d’un désastre silencieux
Notre naufrage était sans théâtre
Certes il y avait l’orgie des matières le cri lent et violent
en décembre des couleurs où l’espace
devant nous basculait
Mais surtout le hurlement fixe d’un paysage inconquis
dans mes veines et dans nos yeux
L’homme ici fut sillage pur et ténu au seuil des totems
Or son ordre était voué à l’enchevêtrement des forêts
oublieuses et voraces
Il fallait dire en langage mien la beauté de ce chaos glacial
avant que tarisse en nous le murmure d’origine
Maintenant le regard a changé comme le visage
du Fleuve incessant
l’automne ou l’hiver
hier et demain
Mais une géographie de cristal continue d’incruster
dans mes os ses aiguilles et ses aurores
Or mon dessein s’affine de conquérir une planète folle
qui pulse à ma porte
à l’autre face du froid
là où mes paroles ne seraient plus qu’un mince bruissement
de bleu sur la neige
Avant
mais avant
il y aura le cognement obstiné de mes poings
dans l’embâcle énorme à notre seuil