Ish, Isha, Eli, Elis

Hem pujat el nostre crit a tu
i ens posàvem de puntetes per semblar més alts.
Ens hem vist en la nostra nuesa,
ens hem mirat en la nostra solitud
i hem engendrat després fills i filles,
al llarg de tot el tedi del nostre temps.
Ah, si raonem, quina rialla trista,
en negar-te en la niciesa dels nostres cors!
Ai, si t’estimem, quantes llàgrimes
fa vessar de seguida el nostre amor cruel!
I també hi ha la sang, la fatiga mil·lenària,
immensa, de la sang. Des de la sorra
d’aquest desert, des de l’amarga
profunditat del pou, et clamo
contra l’olor, contra el color, contra el voltor.
Sí, clamem contra la sang, nosaltres,
que hem vist els arbres i sabem prou bé
com el teu nom pot ser burla o silenci.

© Sebastià Bonet Espriu
Extraído de: El caminant i el mur
Produção de áudio: Biblioteca Nacional de Catalunya

Ish, Isha, Eli, Elis!

Nous avons dressé notre cri vers toi
et nous faisons les pointes pour paraître plus grands.
Nous nous sommes vus dans notre nudité,
nous nous sommes regardés dans notre solitude
et nous avons engendré ensuite des fils et des filles
tout au long de l’ennui de notre temps.
Ah ! si nous raisonnons, quel triste éclat de rire
quand nous te nions dans la bêtise de nos coeurs !
Ah ! si nous t’aimons, que de larmes
fait répandre aussitôt notre cruel amour !
Et il y a aussi le sang, l’immense,
la millénaire fatigue du sang. Depuis le sable
de ce désert, depus l’amère
profondeur du puits, je te clame
contre l’odeur, contre la couleur, contre le vautour.
Oui, nous clamons contre le sang, nous
qui avons vu les arbres et qui savons
combien ton nom peut être dérision ou silence.

Traduit par Mathilde Bensoussan
in: Seigneur de l'ombre, Anthologie poétique bilingüe: Editions Pierre Jean Oswald, 1974.