François Emmanuel
Portement de ma mère (XXXI) [Familles, nous nous retrouvons à la table]
Portement de ma mère (XXXI) [Familles, nous nous retrouvons à la table]
XXXI
Familles, nous nous retrouvons à la table, partageant le vin des dimanches, mes frères je vois vos mains lourdes qui brisent le pain, j’entends vos histoires anciennes et nouvelles, heurtant bruyamment le silence, où passe le souffle du souvenir, un va-et-vient d’ombres traverse l’embrasure de la porte où tu n’apparais plus, avec ton sourire fatigué, ta lumière distraite et tendre, un jour nous étions enfants, au temps du paradis des batailles, un jour nous étions assis à la même table et c’était hier à peine, le jeune marronnier est devenu immense, ils ont coupé les branches du cèdre, aujourd’hui nous sommes indécis de nous reconnaître, nos regards sont devenus durs, mais retrouvant d’instinct autour de la table de chêne, les places indiquées par le temps, le coudoiement, la sourde appartenance, la fraternité mélopique et farouche, tu es là