François Emmanuel
Portement de ma mère (X) [Puis lentement les hommes en noir remontent la travée centrale]
Portement de ma mère (X) [Puis lentement les hommes en noir remontent la travée centrale]
X
Puis lentement les hommes en noir remontent la travée centrale, ils glissent ton cercueil sur le chariot d’aluminium, avec des gestes concis, secs, et le crissement des sangles, les encastrements métalliques font un écho glacial à ces tintements de calice, ces chants de crecelles, ces imprécations de cloches qui cognaient tout-à-l’heure contre le ciel, et d’un coup le rideau est tombé, la fin est toute proche, petits bruits de loquets, roues du chariot qui grincent, dans un blanc silence de morgue, puis, une fois disparus ton corps et les hommes du service funèbre, c’est un grand vide aussitôt empli par le piétinement sourd, tandis que le cortège des ombres s’achemine vers le porche de sortie, et que prend place entre pénombre et clarté le rite des saluts, les condoléances, lente succession des visages, une étreinte frôlée, une effusion soudaine, ou ce bref effarement des retrouvailles, toi qui est venu de si loin, toi que ravage les larmes, toi