Claire Krähenbühl
Fougeraie - III -
Fougeraie - III -
Quel juste milieu?
du lit? de la rivière?
de la plaie? du rêve et de ses bords?
Le cauchemar posait tant de justes questions:
la presque nudité de la femme le dos
de l'homme qui s’en va
et comme elle court presque nue
comme elle va le saisir avant que
comme elle s'éveille
toujours aussi perdue
parce que nul feu
parce que nul corps
parce que ni le doigt ni la main tout entière
ni la bouche ni la langue animale maternelle
douce aux plaies
-soeur de langue et de lait-
ni la phrase enroulée loin d'elle
dans sa nuit d'homme
déroulée ici
je vous demande avoue le feu
je vous attends murmure la terre
je vous veux dit la main tout entière
le pouce obstiné veut
(son ongle aussi) avec l'index ils veulent prendre le sein
le majeur sait l'ourlet le point de croix la fronce et le froissé
le petit doigt se pointe
et l'annulaire sans anneau
veuf désarmé
que sait-il d'autre que sa propre nudité?
effleurer le bord de la plaie peut-être?
Alors elle a repris son boulier
rouge et compté ses délires ses délices
repris la feuille d'amour d'entre les feuilles mortes
rendu son bouclier
son tablier noir
son devoir inutile désormais
Elle apprendra - lentement -
sous les draps
contre sa peau d'homme
dans le secret dans le noir
dans le cru dans le rouge
Elle apprendra - durement -
que le silence n'est pas la mort
saura-t-elle un jour lire?