Jean-Marc Desgent
[Tout de suite en entrant, c’est le corps]
Tout de suite en entrant, c’est le corps (un peu écorché, c’est normal, beaucoup dépourvu), après, c’est l’être vers le bas, entre les deux, des portes miraculeuses, des objets qui ne servent pas, des défaites militaires ou personnelles (c’est idem), des carcasses de cervidés, des amoureux momifiés (on ne sait même plus les compter), d’intimes chevaux achevés, des décombres de villes entières.
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Il y a ma tempête sur l’enfance, c’est disloqué, c’est la mémoire cassée, des métaux en feu, des lames dans le tordu avec lequel je m’éveille tous les matins, et c’est tout à fait vrai.
Il y a mes bouches de poudre brûlante, toutes celles-là qui me font la fosse ouverte, toi, moi, manquant au monde; il est évident qu’on ne peut pas être à la fois sa mère et un fusil, une chasse à l’homme, quelques cartouches fumant par terre.
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Toi, moi, on a laissé pourrir les chants, les folklores, les choses écrites ou presque.
Après les incendies généraux, on a tout marché. Les champs dévastés ont été franchis.
Nous nous sommes touchés dans les cendres. J’ai caressé chiens et chiennes parmi les figures angéliques. Comme il se doit, on n’a rien retenu des étreintes.
L’agonie était en marche.
On a brûlé les odeurs dans les linges.
Nos beautés étaient seules.
On s’est agenouillés dans nos corps de cerf apeuré.
Mon désastre est resté, il a été exposé publiquement.
Depuis, pour me soulager l’appendice ou le nécessaire, je soulève sans arrêt la crinoline des soldats.