Denise Desautels
français
Compatibilist
Awareness was intermittent. It sputtered.
And some of the time you were seen
asleep. So trying to appear whole
you asked of the morning: Is he free
who is not free from pain? It started to rain
a particulate alloy of flecked grey; the dogs
wanted out into their atlas of smells; to pee
where before they had peed, and might
well pee again — though it isn’t
a certainty. What is? In the set,
called Phi, of all possible physical worlds
resembling this one, in which, at time t,
was written ‘ Is he free who is not free —’
and comes the cramp. Do you want
to be singular, onstage, praised,
or blamed? I watched a field of sun-
flowers dial their ruddy faces toward
what they needed and was good. At noon
they were chalices upturned, gilt-edged,
and I lived in that same light but felt
alone. I chose to phone my brother,
over whom I worried, and say so.
He whispered, lacked affect. He’d lost
my record collection to looming debt. I
forgave him — through weak connections,
through buzz and oceanic crackle —
immediately, without choosing to,
because it was him I hadn’t lost; and
later cried myself to sleep. In that village
near Dijon, called Valley of Peace,
a pond reflected its dragonflies
over a black surface at night, and
the nuclear reactor’s far-off halo
of green light changed the night sky
to the west. A pony brayed, stamping
a hoof on inlaid stone. The river’s reeds
lovely, but unswimmable. World death
on the event horizon; vigils with candles
in cups. I’ve mostly replaced my records,
and acted in ways I can’t account for.
Cannot account for what you’re about
to do. We should be held and forgiven.
Extrait de: Airstream Land Yacht
Toronto: House of Anansi Press, 2006
Production audio: 2007, Literaturwerkstatt Berlin
Le compatibiliste
La conscience est intermittente. Elle grésille.
De temps à autre on te surprend
à dormir. Pour te donner une contenance
tu interroges le matin : est-on libre
si l’on n’est pas libéré de la douleur ? Il commence à pleuvoir
un alliage de particules gris métallique ; les chiens
veulent sortir, se retrouver parmi leurs atlas d’odeurs ; pisser
où ils ont pissé avant et pourraient
bien pisser encore — bien que ça ne soit pas
une certitude. Mais qu’est-ce qu’une certitude ? Dans
l’ensemble appelé Phi de tous les mondes physiques possibles
semblables à celui-ci dans lequel, au moment m,
il est écrit «Est-on libre si l’on n’est pas libéré — »
et le blocage se produit. Es-tu sûr de vouloir être
unique, regardé, acclamé
ou hué ? J’observe un champ de
tournesols qui orientent leurs visages rougeauds vers
ce dont ils ont besoin et vers ce qui est bon. A midi
leurs calices sont inversés, tranche dorée,
et j’habite la même lumière, mais je me sens
seul. Je décide de téléphoner à mon frère,
au sujet duquel je m’inquiète, et je le lui dis.
Il chuchote, manque d’émotion. Il a sacrifié
ma collection de disques pour rembourser des dettes menaçantes. Je
lui pardonne — malgré la mauvaise communication
malgré le bourdonnement et le crépitement océanique —
d’un coup, sans réfléchir,
parce que ce n’est pas lui que j’ai perdu ; et
plus tard je pleure sur mon sort jusqu’à l’épuisement. Dans
ce village près de Dijon, appelé la Vallée de la Paix
un étang reflète des libellules
sur sa surface noire, et
le lointain halo verdâtre de la centrale
nucléaire altère la couleur du ciel de nuit
côté ouest. Un poney brait, tapant
du sabot contre le pavé. Les charmants roseaux
de la rivière pourtant insalubre. La mort de la planète
à l’horizon ; des veillées silencieuses
à la bougie. Je remplace presque tous mes disques
et j’agis ainsi sans pouvoir me justifier.
On ne peut pas toujours justifier ses gestes
à venir. Nous devrions tous être bercés et pardonnés.
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007