Philippe Beck 
Translator

on Lyrikline: 16 poems translated

from: italien, néerlandais, allemand, anglais to: français

Original

Translation

[Non con trombe alte e tese]

italien | Donata Berra

Non con trombe alte e tese
splende l'annuncio: l'angelo
è meglio raccolga i lembi
della lunga veste,
sieda e riposi.

Sommessamente nasce
la voce, solo, se mai,
per sottrazione.

© Verlag Im Waldgut / Donata Berra
from: Zwischen Erde und Himmel / Tra terra e cielo. Gedichte / Poesie. Aus dem Italienischen übersetzt und mit einem Nachwort versehen von Jochen Kelter
Frauenfeld: Im Waldgut, 1997
ISBN: 3-7294-0253-6
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

(Pas avec trompettes hautes et tendues)

français

Pas avec trompettes hautes et tendues
resplendit l’annonce: l'ange
mieux vaut qu’il rassemble les limbes
de la robe longue,
s’assied et se repose.

À voix basse naissance
de la voix, seule, si jamais,
par une soustraction.

traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck


Zoontje slaapt

néerlandais | Bernard Dewulf

Het is een middag uit een dagelijkse week,
een eeuw wordt buiten afgewerkt.
In de ether van het eerste huis
ruist je slaap in een elektrisch oor.

Ramen staan wijdopen op een zomer
en tot in onze stille kamers dringt
het pidgin door van weer een nieuwe tijd.
Nu kan de toekomst komen.

Hier wonen wij tot later samen.
Tot ik in je pas, een vader in een vader.
Tot dit huis je zal verhuizen.
Tot het is alsof ik er nooit was.

Hier ben ik, na de middag van mijn dag.
Ik weet, het droomt nu in je hoofd,
maar hoor. Er zingt in onze kamers iets
van elke tijd. Adem, adem met mij door.

© Bernard Dewulf
from: unveröffentlichtem Manuskript
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Le jeune fils dormant

français

C’est un midi d’une semaine de tous les jours,
dehors, on s’active à finir le siècle.
Par la voie des ondes, dans la première maison
ton sommeil grésille pour une oreille électrique.

Des fenêtres sont grandes ouvertes vers un été
et jusqu’à nos chambres tranquilles passe le pidgin
d’une nouvelle époque encore.
Maintenant l’avenir peut venir.

Ici, nous vivons ensemble jusqu’à plus tard.
Avant que je passe en toi, un père dans un père.
Avant que cette maison ne déménage.
Avant que tout se passe comme si je n’y avais jamais été.

Me voilà, à l’après-midi de mes jours.
Je sais, cela rêve dans ta tête maintenant
mais écoute. Dans nos chambres chante quelque chose
de toute époque. Aspire, aspire encore avec moi.



traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck



Voor Isolde

néerlandais | Bernard Dewulf

Wij hadden gedronken. De beker ineens.
Zodat in de daghaast van lichamen
onze lichamen blonken. Wij hadden
de wereld verloren, de wereld ons,
en hielden een hemelbed aan
waarin de stad wegtikken kon.
Het reed met ons rond, deed met ons
wat wij moesten. Dan gaven wij namen
en namen die in de mond.
Zo vond men ons

niet. De ochtend verdraagt geen sage,
zijn licht is zijn zwaard. De trein nam
ons terug, wiegend naar ons bestaan.
Daar lost iemand in blanke handen ons op,
daar heeft een huis ons bewaard.
Wij drinken er, drinken op ons geluk
en lachen blazend het vuur uit
van verjaardagstaarten. Wij gaan dus
niet dood. Gewond van binnen
kussen wij de dag en de mens.
De spiegel die te scheren wil beginnen.

© Bernard Dewulf
from: unveröffentlichtem Manuskript
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Pour Iseut

français

Nous avions bu. Vidé le gobelet d’un coup.
Si bien qu’à la hâte quotidienne des corps
nos corps scintillent. Nous avions
perdu le monde, et le monde nous avait perdu,
et nous hélions un lit à baldaquin
où la ville pouvait défiler devant nous.
Il nous faisait tourner, faisait avec nous
ce que nous devions. Puis nous donnions des noms
et les avions sur les lèvres. Ainsi, on ne nous trouvait

pas. Le matin ne souffre pas de légende,
la lumière est son épée. Le train tanguait, nous
retournait, nous renvoyant à l’existence.
Là, quelqu’un aux mains blanches nous délivre,
là, une maison nous a sauvés.
Nous y buvons, buvons à notre bonheur
et soufflons en riant les flammes
des gâteaux d’anniversaire. Nous ne mourrons
donc pas. Blessés de l’intérieur
nous embrassons le jour et l’homme.
Le miroir veut faire la barbe.



traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck



Sternsucher

allemand | Uwe Kolbe

Der, hör ich, nachts aus dem Haus geht
und, seh ich, hoch in den Himmel schaut,
den, weiß ich, eine sehr gerne mal träfe,
doch, sagt sie, so wie es aussieht,
der, klagt sie, schaut doch immer nur hoch
und, denkt sie, niemals in mein Gesicht.
So, mein Freund, findest du nie deinen Stern.

© Suhrkamp Verlag Frankfurt am Main 1998
from: Vineta. Gedichte
Frankfurt am Main: Suhrkamp Verlag , 1998
ISBN: 3-518-40990-5
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Chercheur d’étoile

français

Celui qui, j’entends dire, quitte la maison de nuit
et qui, je vois cela, regarde haut dans le ciel,
qui, je sais cela, telle ou telle aimerait bien rencontrer
pourtant, dit-elle, apparemment
celui-là, se plaint-elle, il regarde toujours en haut
et, pense-t-elle, jamais en face.
Ainsi, mon ami, tu ne trouveras pas ton étoile.



traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck



Sestina

anglais | Sapphire

Last night after school I finally got around
to looking at the formula for a sestina
& thought of Crazy Horse dancing in the desert
& I asked, Is god gonna appear here?
I want god
      a blue light so dark
it stains everything for centuries
radiative hallucinatory rood smelling
like urine & frankincense.
One hip has always been higher
one breast longer
& my thighs & belly at midlife,
like stupid teenagers
are totally out of control
like Billie
& Bessie or diamond black Big Maybelle
bawdy ballad red
dirt
rooster
throat cut in the sign of the cross
sodomized with a black cat bone
full moon
crossed with lye
road sign turned around
early death
gun shot
untreated
TB
HIV
roach wings floating
in the semi circular canal
(a white boy in the workshop, hip downtown grunge, shaves his
prematurely bald head, tattoos [you know, the whole bit], wonders
aloud if roaches get in poor people’s ears when they sleep)
A girl says, Yeah, yeah they do, running like roads
out of nowhere, out of lines, & I fall back twenty-five years
before most of them were born & I whisper to Chris:
It didn’t make any difference which side of the line you were on,
did it? When the wheel hit that dip & the motorcycle flipped
in the air in the light of a cervical vertebra
snapped in infinitum electrons spinning like wheels
around a dying nucleus of light scurrying
under cracks in some linoleum in Queens
& sometimes under the concrete the city is walking on
I see the cotton fields my daddy ran away from;
& his face, the love pulls me like an eclipse
to the worn envelope of poems I found in his drawer
when he died—
lines crossed in gasoline, burning.
& you know those ol’ niggers back then
had about as much a chance of making it
as butterflies at Auschwitz.
Is that why he did it?

Now time is a light dimming as it burns brighter
turning me toward the dark then the light again. I hope.

© 1999 by Sapphire / Ramona Lofton
printed by permission of the author
from: Black Wings & Blind Angels
New York: Alfred A. Knopf, Publisher, 1999
ISBN: 0-679-44630-3
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Sestina

français

Hier soir après l’école j’ai finalement cherché
la formule d’une sextine
et j’ai pensé à Crazy Horse qui dansait dans le désert
et je me suis demandée: Est-ce que dieu va apparaître ici?
Je veux dieu
une lumière bleue si obscure
elle tache tout pour des siècles
la croix radieuse hallucinatoire sentant
l’urine et l’encens.
Une hanche a toujours été plus haute
un sein plus long
& mes cuisses & le ventre au milieu de la vie,
comme des adolescents stupides
sont complètement déchaînés
comme Billie
& Bessie ou diamant noir Big Maybelle
obscène ballade rouge
boue
coq
gorge coupée au signe de la croix
sodomisé avec l’os d’un chat noir
pleine lune
croisée avec un adoucissant
panneau de signalisation retourné
mort prématurée
coup de fusil
pas soigné
TB
VIH
ailes des cafards flottantes
dans le canal semicirculaire de l‘oreille
(un garçon blanc dans l’atelier, grunge très à la mode en ville, se rase
la tête prématurément, tatouages [tu sais, tout le tremblement], se demande
si les cafards entrent dans l‘oreille des pauvres quand ils dorment)
une fille dit, Ouais ouais ils le font, courant comme des routes
de nulle part, sortant de la ligne, et je retombe vingt-cinq ans
avant leur naissance et je chuchote à Chris:
quelle différence, de quel côté de la ligne tu étais,
n’est-ce pas? Au moment où la roue a touché la pente & la moto a fait un bond
dans l’air à la lumière d’une vertèbre cervicale
pivotant in infinitum des électrons tournant comme des roues
autour d’un noyau mourant de lumière se hâtant
en dessous des fissures dans un linoleum à Queens
& parfois en dessous du beton sur lequel marche la ville.
Je vois les champs de coton dont mon père s’est enfui;
& son visage, l’amour me tire comme une éclipse
vers une enveloppe de poèmes usée que j’ai trouvée dans son tiroir
quand il est mort –
des lignes croisées de gasoil, brûlantes.
& tu sais ces vieux négros de l’époque
avaient autant de chances de survie
que des papillons à Auschwitz.
Etait-ce pourquoi il l’a fait?

Maintenant, le temps est une lumière qui s’obscurcit en brûlant plus fort
il me tourne vers l’obscurité puis vers la lumière une fois encore. J’espère.

Traduit par Philippe Beck

Moeder

néerlandais | Bernard Dewulf

Ze zou nu bijna oud zijn,
een bestaande vrouw
met sleet in de vingers.

Op zondag zou ze nagaan
hoe ik overbleef
met iemand die zij herkende.

Ze zou in haar laatste verwarring
een moederorde bewaren
op mijn weerspannige tafel.

En tussen mijn dringende leven,
tussen haar regels
zou ze mijn hele hart ondervragen.

Ik zou een volbrachte zoon zijn,
zij zou de vaat wegdoen
en weer mijn vader ontmoeten.

Ze zou in mijn andere dagen
gelukkig afwezig zijn. Maar dat
zou ik kunnen verdragen.

© Bernard Dewulf
from: unveröffentlichtem Manuskript
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Mère

français

Maintenant, elle serait presque vieille
une femme bien réelle
aux doigts usés.

Le dimanche elle vérifirait
comment j’ai tenu bon
avec quelqu’un en qui se reconnaître.

Dans son dernier désarroi
elle garderait la table réticente
en bon ordre maternel.

Et entre les moments de ma vie trépidente
entre ses lignes de conduite
elle interrogerait tout mon coeur.

Je serais un fils accompli
elle rangerait la vaiselle
et rencontrerait à nouveau mon père.

Dans mes autres journées
elle serait heureusement absente. Mais cela
je le supporterais.



traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck



Magica

italien | Donata Berra

A frammenti, solo
e per ellissi
risponde
la biblioteca della memoria.

Alla richiesta, all'urgenza del prestito
(e lo struggimento dell'ora vorrebbe
subito, qui, tutto, il passato
per colmare il dolore
e garantirlo)

lievemente
come galleggiano i sogni
dall'aria insondabile del remoto
innalza un'immagine

onnipotente, illustrata e magica.

© Verlag Im Waldgut / Donata Berra
from: Zwischen Erde und Himmel / Tra terra e cielo. Gedichte / Poesie. Aus dem Italienischen übersetzt und mit einem Nachwort versehen von Jochen Kelter
Frauenfeld : Im Waldgut , 1997
ISBN: 3-7294-0253-6
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Magica

français

En fragments, seulement
et par ellipses
répond
la bibliothèque de la mémoire.

À la demande, à l’urgence du prêt
(et le chagrin de l’heure voudrait
d’un coup, ici, tout, le passé
pour accomplir la douleur
et la garantir)

légèrement
comme les rêves flottent
par l’air insondable du refoulé
fait surgir une image

toute-puissante, illustrée et magique.

traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck




ΠΑΡΑΒΟΛΗ

grec | Kostas Koutsourelis

Υπήρχαν κάποτε -ποιος δεν το ξέρει;-
τόσοι άγγελοι ψηλά στον ουρανό
που άλλο πετούμενο εκεί πάνω να σταθεί
ήταν αδύνατο σχεδόν να καταφέρει

Γι` αυτό και κάποιοι ιθύνοντες
-κατόπιν ικανών συλλογισμών-
το χάος είπαν να ρυθμίσουν
και τάξη να επιβάλουν - τι αμνήμονες!

Μια κι όλως διόλου λησμονήσαν ασφαλώς
πως δεν σηκώνει τέτοιες διευθετήσεις
ο κόσμος των πνευμάτων,
ο κόσμων των ουράνιων ταγμάτων γενικώς

Έκτοτε οι άγγελοι εξέλιπαν οριστικώς
κι απόμεινε σε μας ο άδειος ουρανός

© KOSTAS KOUTSOURELIS
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

PARABOLE

français

Il y avait autrefois - qui ne le sait pas? -
tant d’anges en haut dans le ciel
que d’autres volatils n’arrivaient presque pas
à rester là-haut

C’est pourquoi quelques dirigeants
- après beaucoup de réflexion -
ont décidé de régler le chaos
et d’imposer l’ordre –quels oublieux!

Ils avaient tout à fait oublié sans doute
qu’il ne supporte pas de tels arrangements
le monde des esprits,
le monde des ordres célestes en général

Dès lors les anges ont disparu
et le ciel vide est resté à nous

traduction: Philippe Beck


pas publié



© 2001 Philippe Beck




Die Terrassen

allemand | Uwe Kolbe

Die Terrassen werden geschlossen,
die Saison ist vorüber heut Nacht.
Noch hat das Café seine Stühle draußen,
schon sind sie glasiert
von Dunkelheit, Stille.
Statt luftiger Rede von gestern
das Fernsehgeräusch hinter Fenstern
(wenn heut auch ein fernerer Krieg
der Grund, daß alle Geräte flimmern,
Studentin, Philosoph und Drogist
sehen dasselbe Programm).
Hier draußen hat Herbst gewonnen,
drei Viertel des Lebens - Erinnerung.
Staub setzt sich von aufgeschobenen Reisen,
das Wagnis der sehr kurzen Wege
ist beinah Routine geworden.
Wer kämpft hier eigentlich so
in dieser Nähe, Blumen zum Selberpflücken,
im Buchsbaumrevier, am Mühlbach,
wer kämpft eigentlich um seiner Seel,
die Dreizehnjährigen im Zelt, mein Gott?
Die Partysaison ist vorüber, zur Nacht
- wem gilt dieses späte Glockenläuten? -
ideal wär ein russischer Ofen,
auf dem empfinge Julia.

© Suhrkamp Verlag Frankfurt am Main 2001
from: Die Farben des Wassers. Gedichte
Frankfurt am Main: Suhrkamp Verlag , 2001
ISBN: 3-518-41262-0
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Les terrasses

français

On ferme les terrasses
la saison se termine cette nuit.
Les chaises sont encore devant le café,
elles sont déjà vernies
d’obscurité, de silence.
Au lieu du discours léger d’hier
le bruit des télévisions derrière les fenêtres
(même si aujourd’hui à cause d’une guerre lointaine
tous les postes vacillent,
étudiante, philosophe et droguiste
voient le même programme).
Ici dehors automne a gagné,
trois quarts de la vie - souvenir.
De la poussière de voyages remis se pose,
le risque des chemins très courts
est presque devenu routine.
Qui est-ce qui au fait lutte tant ici
dans cette proximité, fleurs à cueillir soi-même,
dans le territoire de buis, près de la rivière du moulin,
au fait, qui est-ce qui lutte pour son âme,
ceux qui ont treize ans sous la tente, bon dieu?
La saison des surprise-parties s’achève, pour la nuit
– à qui donc s’adressent ces cloches tardives? –
un poêle russe serait idéal,
où elle accueillerait, Julia.



traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck




Dido's klacht

néerlandais | Bernard Dewulf

De tijd is met ons klaar.
Vannacht nog rijdt hij mij de dageraad in
van een ander land. De nieuwe ochtend zal mij wekken
aan een onbegrijpelijk raam.

Niemand is voor iemand ooit gemaakt. Soms
raken wij verstrikt in het lamento van een tegenziel.
En is niet, zei je, elk moment op elk moment
bereid tot iedereens oneindigheid?

De oneindigheid is nu gedaan. Ik wil mijn tijd
en mijn geluk. Het kan ons tijdelijk hart bewegen
als het twintig mooie regels lang mislukt.
Maar in de spiegel valt het lelijk tegen.

Ik ga nu, man van mij van nooit. Ik ben van deze kant.
Ik ben van vrouw gemaakt.
Ik heb je lief.
Ik heb je lief alleen, zo ademen wij.

Mijn nieuwe land zal mij in stromend water wassen,
mij wiegen in zijn nette bedden, bedenken in zijn taal.
Ik zal er duizend foto¹s van je maken
en kijkend zal ik op je leegte uitgekeken raken.

© Bernard Dewulf
from: unveröffentlichtem Manuskript
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Les lamentations de Didon

français

Le temps a fini avec nous.
Cette nuit encore il m’amènera à l’aube
d’un autre pays. Le lendemain me réveillera
à une incompréhensible fenêtre.

Nul n’a jamais été fait pour quiconque. Parfois
nous sommes pris dans le lamento d’une âme-adverse.
Et tout moment n’est-il pas à tout moment
prêt à l’éternité de chaqu’un?

C’en est fini de l’éternité. Je veux mon temps
et mon bonheur. Cela peut émouvoir notre coeur temporel
d’échouer pendant vingt lignes belles.
Mais le miroir ne montre pas ce qu’on attendait.

Je m’en vais, mon homme de jamais. Je suis de ce côté.
De femme je suis faite.
Je t’aime.
Je suis seule à t’aimer, c’est ainsi que je respire.

Mon nouveau pays me lavera dans l’eau courante,
me fera tanguer dans ses lits neufs, m’imaginera en sa langue.
Je prendrai des milliers de photos de toi
et tout en regardant, j’en aurai assez de ce vide.



traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck



ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ

grec | Kostas Koutsourelis

Σ' αυτό το μαυσωλείο των λέξεων
κάθε σελίδα φρουρεί
μια μνήμη αβέβαιη,
μια σκονισμένη αθανασία

Κάποτε,
σ' ώρες απρόβλεπτες,
ένας ξένος ξεφυλλίζει αργά το κενό
κι απ' των σελίδων το βυθό
μια παγωμένη μουσική
παίρνει να τρίζει

© KOSTAS KOUTSOURELIS
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

BIBLIOTHÉQUE

français

Dans ce mausolée de mots
chaque page conserve
un souvenir incertain,
une immortalité poussiéreuse


Parfois,
dans des moments imprévus,
un étranger feuillette lentement le vide
et du fond des pages
une musique glacée
commence à grincer

traduction: Philippe Beck


pas publié



© 2001 Philippe Beck




ΑΝΤΙΝΟΜΙΕΣ

grec | Kostas Koutsourelis

Τα χείλη του μεσημεριού
πάνω στο χιόνι

Της θάλασσας το βλέμμα
που στεγνώνει

Πόλεις βαθύρριζες
που παρασύρει ο αέρας

Το σάλιο της νύχτας
στο λαιμό της μέρας

Ρολόγια ευκίνητα,
ανάπηρα χρόνια

Ενός χαμόγελου αρραγούς               
η ερειπωμένη εικόνα

Το δώρο που σου δόθηκε
και δεν σου ανήκει

Η ήττα που
εξαγόρασε τη νίκη

Η ξηρασία της σκέψης μου
και του κορμιού σου οι βάλτοι

Το αιφνίδιο ρίγος
του παλιού εφιάλτη

© KOSTAS KOUTSOURELIS
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

ANTINOMIES

français

Les lèvres de midi
sur la neige

Le regard de la mer
qui sèche

Des villes aux racines profondes
qu’emporte le vent

La salive de la nuit
au cou du jour

Des horloges agiles,
des années invalides

D’un sourire ferme
l’image ruinée

Le cadeau qu’on t’a donné
et qui ne t’appartient pas

La défaite
qui a racheté la victoire

La sécheresse de ma pensée
et les marécages de ton corps

Le frisson soudain
du vieux cauchemar

traduction: Philippe Beck


pas publié



© 2001 Philippe Beck



Ingredienzen der Schlaflosigkeit

allemand | Uwe Kolbe

Es war diese Mücke, ich hab sie gehört.
Und es war – wuchs da nicht Gras
zwischen zwei Kriegen?
Es war ähnlich dem Grund, weshalb ich die Stadt
zum ersten Mal wirklich verließ.
Und es war, daß die Liebe sich weigerte,
einfach zu sein wie ein Handgriff,
schön wie ein Silbenrätsel,
witzig und unerklärlich, wie die Attacke
der Katze, die anschließend wieder
vornehm gemessen schreitet oder
sich putzt, mit der Zunge die Pfote befeuchtet,
damit übern Hinterkopf streicht,
mit dieser unnachahmlichen Sorgfalt.
Es war, daß der Lärm meiner Stadt
den letzten alten Putz zerrüttet,
das letzte Brandmauern-Graubraun
auf den monströsen Lkw kippt,
der gestern mich fast überrollte.
Es war, daß Reste der alten Gewißheit
einander zersetzten, die neue
privat bleibt, das rasende Herz
- in unseren Breiten kommt so etwas
von übertriebenem Genuß.
Es war, du wachst auf und nuschelst,
mach endlich das Fenster zu.

© Suhrkamp Verlag Frankfurt am Main 1998
from: Vineta. Gedichte
Frankfurt am Main: Suhrkamp Verlag , 1998
ISBN: 3-518-40990-5
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Ingrédients de l’insomnie

français

C’était ce moustique, et je l’ai entendu.
Et c’était - n’y avait-il pas de l’herbe
qui poussait entre deux guerres?
C’était comme la raison de quitter la ville
pour la première fois pour de bon.
Et c’était que l’amour refusait
d’être simple comme un geste ordinaire,
beau comme un rébus de syllabes,
amusant, inexplicable, comme l’attaque
du chat qui ensuite avance à nouveau
de manière soutenue, élégant et grave, ou
fait sa toilette, humecte la patte avec la langue,
se la passe derrière la tête,
avec ce soin inimitable.
C‘était que le bruit de ma ville
délabre le dernier vieux crépi,
verse le dernier gris-brun de mur coupe-feu
sur le camion monstrueux
qui hier a failli m’écraser.
C’était que des restes de la vielle certitude
se décomposaient, la nouvelle
reste privée, le coeur palpitant
– dans nos latitudes, cela vient
de d’un excès de plaisirs.
C’était, tu te réveilles et tu marmonnes,
ferme enfin la fenêtre.



traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck



Ghosts

anglais | Sapphire

There are thirteen windows in this room.
I see the tops of trees and sky, my parents
run thru my mind; my father
scurrying like a mouse. My mother is sitting. Why have I come
here, and what do their ghosts
want with me. I know I’m not writing poetry

but trying to build a bridge back to poetry.
I will go home to a hot stuffy room.
I have lived with their ghosts.
The black haired mother, her parents
on her back. We had, all but one, come
to bury her twelve years ago. My father

died at seventy-five, a stroke, my father
myself? Or me, myself—where is poetry,
the feeling I used to have, will it come
in the middle of exercises? Finally I have a room
with windows. Finally my parents
are dead, are ghosts.

How they beat me, left me, laughed at me, are ghosts.
I see him frozen, hurrying, in a picture, my father.
I seldom saw my parents
together. My mother never mentioned my father’s poetry.
I found it after he died. I was in his room
before his funeral. I had come

from New York to bury this father, come
to throw dirt on the recovered ghosts
of memory, willing to believe as I lay down in his room
I was a liar. Then my sister says, my father
got her while she was in diapers. In his poetry
he talks of sunsets and doesn’t mention his parents.

My mother said he was ashamed of his parents.
When it is my time who will come?
I have no children except this poetry that isn’t poetry.
Our father’s penis is the ghost
we suck in our dreams. Still I miss that father,
raise him from photographs to come sit in my room.

Here at the writers‘ colony I attempt poetry in a room.
I see my mother and father at the top of the sky. My parents
have come here, home, to help me, ghosts.

© 1999 by Sapphire / Ramona Lofton
from: Black Wings & Blind Angels
New York: Alfred A. Knopf, Publisher, 1999
ISBN: 0-679-44630-3
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Des fantômes

français

Il y a treize fenêtres dans la chambre.
Je vois la cime des arbres et le ciel, mes parents
me viennent à l‘esprit; mon père
se hâte comme une souris. Ma mère est assise. Pourquoi suis-je venue
ici, et qu’est-ce que leurs fantômes
veulent de moi? Je sais, je ne suis pas en train d‘écrire de la poésie

mais j’essaie de bâtir un pont ramenant à la poésie.
Je vais rentrer à la maison dans une pièce où l’on étouffe.
J‘ai vécu avec leurs fantômes.
La mère aux cheveux noirs, ses parents
sur le dos. Nous sommes, à une exception près, tous venus
l’enterrer il y a douze ans. Mon père

est mort à soixante-quinze ans, une attaque, mon père,
moi? Ou moi, moi-même ― où est la poésie,
le sentiment que j’avais d’habitude, est-ce qu’il viendra
au milieu d’un exercice? Enfin j’ai une chambre
avec fenêtres. Enfin mes parents
sont morts, sont des fantômes.

La façon dont ils me frappaient, dont ils m’ont abandonnée, dont ils riaient de moi, ce
sont des fantômes.
Je le vois gelé, se hâtant, sur une photo, mon père.
J’ai rarement vu mes parents
ensemble. Ma mère n’a jamais évoqué la poésie de mon père.
Je l’ai trouvée après sa mort. J’étais dans sa chambre
avant son enterrement. J’étais venue

de New York pour enterrer ce père, venue
pour jeter de la boue sur les fantômes ensevelis
de la mémoire, disposée à croire comme je m’allongeais dans sa chambre
que j’étais une menteuse. Puis ma soeur dit que mon père
l’avait eue quand elle était dans les langes. Dans sa poésie
il parle des couchers de soleil et n’évoque jamais ses parents.

Ma mère disait qu’il avait honte de ses parents.
Quand viendra mon temps, qui est-ce qui viendra?
Je n’ai pas d‘enfant exepté cette poésie qui n’est pas poésie.
Le pénis de notre père est le fantôme
que nous suçons dans nos rêves. Pourtant ce père me manque,
je le ressussite des photos pour qu’il vienne s’asseoir dans ma chambre.

Ici, à la colonie des écrivains, j‘essaie la poésie dans une chambre.
Je vois ma mère et mon père à la cime du ciel. Mes parents
sont venus ici, à la maison, pour m’aider, les fantômes.

Traduit par Philippe Beck

An Ordinary Evening

anglais | Sapphire

My sister tells me it was just an ordinary evening, but evening is never
ordinary is it? Once the sun has started to climb down the sky things
change. You and she were sitting in the den—the olive green vinyl
couch, sports trophies, new color TV, pictures of Kennedy and King we
keep turning to the wall, plate glass door, concrete steps to the back-
yard. You were sitting in the den, by the tone of your voice you could
have been asking are there any more hot dogs left or saying let’s go get
high. She said you just turned around and looked at her and said, „Let’s
kill him, let’s kill the old man.“

© 1999 by Sapphire / Ramona Lofton
printed by permission of the author
from: Black Wings & Blind Angels
New York: Alfred A. Knopf, Publisher, 1999
ISBN: 0-679-44630-3
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Une soirée ordinaire

français

Ma soeur me dit que c’était une soirée tout à fait ordinaire, mais une soirée n’est jamais
ordinaire, vous ne croyez pas? Une fois que le soleil a commencé à descendre du ciel
les choses changent. Toi et elle étiez assis dans le salon - le canapé en vinyl de couleur
olive, des trophées de sport, la nouvelle télé couleur, des photos de Kennedy et de
Luther King que nous retournons sans arrêt vers le mur, des portes vitrées, des
escaliers en beton qui donnent sur l’arrière-cour. Tu étais assis dans le salon, au ton de
ta voix il est possible que tu aies demandé s’il restait des hotdogs ou que tu aies dit,
partons, allons nous procurer de la drogue. Elle a dit que tu t’es simplement retourné
vers elle et que tu l‘as regardé en disant: „Tuons-le, allons tuer le vieux.“

Traduit par Philippe Beck

Al porto

italien | Donata Berra

Al porto, uno

A ridosso dell'onda, preso
tra le maglie della rete, perso
al finisterre sguardo, e le passioni:
fermo, aspettando che calino le nasse


Al porto, due

Senza apparente scopo
come la lenta risacca

ma con visibile fastidio
per le frasi che non la riguardano                           

sta la bella donna
seduta al bar Blu Mare

attorcigliando il fumo
cilestrino della sigaretta.

© Verlag Im Waldgut / Donata Berra
from: Maria, schräg an einen Pfosten gelehnt / Maria, di sguincio, addossata a un palo. Gedichte / Poesie. Aus dem Italienischen übersetzt von J. Kelter
Frauenfeld: Im Waldgut, 1999
ISBN: 3-7294-0285-4
Audio production: 2001 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

Au port

français

Au port, un

Au fil de l’onde, pris
dans les mailles du filet, perdu
le regard au finistère, et les passions:
ferme, attendant que tombent les nasses

Au port, deux

Sans but apparent
comme le lent ressac

mais avec gêne visible
pour les phrases qui ne la concernent pas
la belle femme
est assise au bar Bleue Mer

en tortillant la céleste
fumée de la cigarette.

traduction: Philippe Beck



pas publié




© 2001 Philippe Beck