Anthony Phelps
Teinturière [extrait]
5
Le temps a brûlé lent Teinturière.
Les rêves aussi.
Souvent je laisse flotter le poème
comme un enfant son bateau de papier
ou le porte à mon oreille
pour retrouver les chants lointains d'un certain lieu.
Que de cris
de confidences tronquées de projets déréglés.
Les mots s'envolent
s'habillent de couleurs chagrines
mais ta main rythme leur dessin
ramenant l'équilibre.
Teinturière
si un jour de matin clair
je te retrouve
sous le sésame des oiseaux de la morte saison
tel clown endimanché d'innocence
bien au-delà des baisers d'accueil
je découperai la grammaire du soleil
et la calligraphie des fleurs
pour t'en faire parure.
Ah ! un jour de gai matin un jour de clair soleil
redécouvrir l’ailleurs en toi !
Un jour de gai soleil un jour de clair matin
aux premières tendresses
d'une bouche qui se décline
tes souvenirs se raccorderont
au pas à pas du texte
à la fragilité du dire.
Noctambule arpentant hors du temps
le même espace ludique
toi bille dans sa course
les doigts tachés de rouge
de noir campêche et d'indigo
tu apprivoiseras les confidences des confettis
et rêveras en regardant dormir ton enfance
petit orgue discret à l'ombre des autrefois.
6
Le temps a brûlé lent.
Les désirs également.
Passe passe Teinturière
en prudence d'escargot la terre te rêve.
Glisse et lisse chante ta vie
appuyée contre la nuit.
Quand la marée rejette ses insultes à la plage
tu annonces dans une langue jusque-là ignorée :
La géométrie du chemin
rattrape toujours la parole vagabonde.
Ah ! cette odeur du bout de la route
lorsqu'elle s'arrête tremblote et puis se casse.
Laisse mûrir l'amande
là où le soleil fait sa sieste.
Avec la prudence de l'escargot
la terre te ravive Teinturière.
Un glissement de plus
et route la mer bascule
embusquée sur le fil de l'horizon
Ah !
Passe Teinturière. Passe.
L'oiseau reconnaît la pierre
se précipite à sa rencontre.
L'aiguille voit bien son œil
enfile le chas.
Le temps est seul.
Le temps te nargue.
Le vin est doux et te conforte.
Pour la jubilation de mon regard
une lucarne de soleil
conjuguera toujours ton corps
au temps présent de la lumière.
FINALE
Teinturière
œuf dans la gouache de la mémoire
ici prend fin la parodie.
Loin du commerce des racines
douce est l'argile
docile la glaise.
De l'autre côté du temps
liquide est l'air
frileux les nuages.
Par le bonheur d'une juste frappe
pour toi
dont le cœur bat dans la doublure de mes mots
je laisse rêver la lune au verso de nos noms.
Sous le coude du rêve
une plage ondule
intemporelle.