François Emmanuel
Portement de ma mère (VIII) [Je me souviens qu’enfants, effarouchés de ces fastes]
Portement de ma mère (VIII) [Je me souviens qu’enfants, effarouchés de ces fastes]
VIII
Je me souviens qu’enfants, effarouchés de ces fastes, nous baisions la patelle d’or, l’odeur d’encens se mêlait à la présence impalpable, et nous mangions la chair de Dieu, foulant d’un oeil craintif l’espace vertigineux du temple, des dalles creusées de crânes et d’os au faîte de la charpente où tournoyait l’esprit, c’est dans cet habitacle que l’officiant entonne un chant qu’il dit d’action de grâce, invoque les anges et tutoie le Très-haut, souvenir du temps où une heure le dimanche nous plongions dans l’ennui sacramentel, celle que Dieu a rappelée à lui, incante le prêtre, faisant résonner sa voix dans la nef glacée, Dieu en son immense amour dit-il, Dieu en son infinie compassion, et à nouveau le tableau se recompose de cette vaste église aux retables baroques, aux angelots de bois, aux vierges extasiées, au tabernacle sombre, le samedi-saint ils couvraient les statues d’un linceul mauve, et la veille ils déclamaient en théâtre le récit de la passion, se prosternaient au sol, et il rendit l’esprit