Michel Garneau
ode à J.J
James Louis Johnson est devenu une nuit
(on imagine ça assez facilement)
J.J. Johnson parce que ce bien joli bruit
de son nom va si bien avec son instrument
qu’il jouait si souple que c’était merveille
d’en entendre un autre on n’est pas à la veille
avant lui un Teagarden était un peu chinois
qui mélopait profonde toute mélodie
on était par son blues tout regaillardi
dans cette couleur où c’est heureux qu’on se noie
mais J.J. improvise plus loin plus fort plus beau
il suit Bird et mieux que personne il tourne autour
et il sait être triste comme un grand corbeau
et c’est de grands acolytes qu’il s’entoure
des généreux des bien fervents des musiciens
et leurs élans les plus subtils il les fait siens
comme ceux qui savent jouer il sait écouter
cueillir l’idée neuve et la faire fleurir
et sur une patte en l’air la faire mûrir
reprendre et redonner et réenvoûter
donc un soir à Montréal en plein sortilège
avachis à une table comme des veaux
agglutinés flottant entre de tristes eaux
une gagne de caves aux cerveaux allèges
sont à beugler meugler rugir et renâcler
que j’ai envie de leur câlicer une raclée
mais J.J. plutôt il s’arrête de jouer
il fait signe à ses musiciens de partir
les crétins ensemble continuent de tartir
dans le silence continuent à bafouer
J.J. est debout avec son trombone
il ne dit rien et il attend les yeux baissés
le silence se transforme en un puits profond
où les abrutis nous font mornes et blessés
tout à coup il est comme une sorte de fond
où les grosssiers sont enveloppés de mépris
ils voient J.J. les voir et ils sont bien mal pris
car il se met à jouer sublimement tendre
Sometimes I feel like a motherless child et là
sont punis par le bel artiste les cancrelats
c’est toute la beauté qu’ils ont à entendre
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