[On voit l’avion maman partout]


      On voit l’avion maman partout et papa est encore dans l’espoir de le voir plonger…

      On est comme ça nous les porteurs de cendres sur le front, les coureurs de baisers jamais en croix, on est comme ça avec nos boîtes pour nous contenir, pour empaqueter nos trous de personne. Toi, avec une grande enjambée dans le ciel de nuit, moi, avec un paquet sous le bras que j’apporte de l’autre côté du monde. Toi, moi en flammes, en tournant, ça descend et c’est beau, toi, dans ta carlingue d’homme de bien, moi, n’y pense même pas : il faut imaginer mon corps quasi transfiguré par la brûlure et la surprise de ma vie… Ça fait la tête étonnée, ça fait l’être et son imposture, ça fait la tête de l’être (ç’aurait pu aussi se dire « ça fait la tête de l’autre », mais ça ne me regarde pas, ça ne pèse pas lourd dans l’ossement des désirs)… Une tête de l’être, ça se brise comme une vitre, ça fait la musique aiguë, coupante, parfois délicate, parfois, non, petits morceaux bleus, petits morceaux argentés, bleus, argentés, bleus et la lumière qu’on croirait que c’est possible.

      On ne prend pas le temps de balayer les éclats de verre dans les places publiques, c’est l’entrepôt ou l’amour avec ses caisses et sa prophétie très vieille ou très drôle… Il faut l’image de ce qui a été coupé dans la langue, il faut la langue coupée.

      À chacun, sa nuit de cristal!

© Jean-Marc Desgent
Producción de Audio: Union des écrivains et des écrivaines québécois

[Das Flugzeug Mama sieht man allerorts]

      Das Flugzeug Mama sieht man allerorts und Papa ist noch voller Hoffnung, dass es abstürzt ...

      So sind wir, die Träger von Asche auf der Stirn, die Jäger von Küssen, die niemals verkreuzen, so sind wir, mit unseren Schachteln, zum Zweck uns zu enthalten, unsere Niemandslöcher zu packen. Du, mit großem Schritt durch den nächtlichen Himmel, ich, unterm Arm ein Paket, das ich mitbringe von der anderen Seite der Welt. Du, ich in Flammen, in Kreisen, es geht abwärts und ist schön, du im Flugzeugrumpf eines Geachteten, ich, denk nicht mal daran: man muss sich meinen Körper verklärt vorstellen, verklärt von der Brandwunde, der Verwunderung meines Lebens ... es setzt ein erstauntes Gesicht auf, es setzt das Sein auf und dessen Schein, es setzt ein Sein-Gesicht auf (man hätte auch so sagen können »es setzt ein Ander-Gesicht auf«, doch das geht mich nichts an, das wiegt nicht schwer im Gebein des Begehrens) ... ein Sein-Gesicht zerbricht wie eine Scheibe, macht schrille, grelle, mitunter auch zarte Musik, mitunter, nein, kleine blaue Splitter, kleine silberne Splitter, blau, silbern, blau und ein Licht, dass man es für möglich hält.

Man nimmt sich nicht die Zeit, die Glasscherben von den öffentlichen Plätzen zu fegen, es ist eine Lagerstätte oder die Liebe mit ihren Kisten und ihrer Prophezeiung, uralt oder urkomisch ... Her mit dem Bild des in die Zunge Geschnittenen, her mit der abgeschnittenen Zunge.

      Jedem seine Kristallnacht!

Übersetzung aus dem kanadischen Französisch: Nathalie Mälzer-Semlinger