Hana Stojić

alemán

Alien-Nation

oui
par contre
je veux dire autre chose je veux te demander :
pourquoi l’âme héroïque frappe
pourquoi l’Amérique frappe régulièrement
pourquoi elle frappe l’-
l’âme ?

pourquoi elle frappe l’Amérique pourquoi elle frappe et-
et pourquoi ?

oui pourquoi toi tu lui demandes rien
elle frappe et toi tu demandes rien

alors qu’elle elle frappe tu lui demandes rien elle frappe
elle veut tout du monde entier tout du monde entier
elle dit elle dit tout du monde entier
elle dit elle-
dit
non elle dit elle dit elle-
dit non elle chante oui elle chante c’est ça elle chante
puisqu’ils chantent
ils chantent « we are the world we are the children »

tu as des enfants toi ?

« we are the world »
et on est tous des frères c’est sûr
on est tous des frères dans le world et même-
même les les-
même les
comment ?
même les pacifiques
même les pacifiques les-
oui
oui les pacifistes
les pacifistes les pacifiques je suis avec eux
je suis avec eux
quand ils sont pour la paix je suis avec eux
quand un pafachiste est pour la paix je suis avec lui
s’il ne me veut pas de mal je suis avec lui
ah oui !
s’il est pour la paix oui
s’il ne me profane pas
pourvu qu’il ne me profane pas
qu’il ne profane pas mes morts
s’il ne profane pas mes aïeux
s’il ne les trépane pas alors je
et s’il ne piétine pas leurs paroles alors
oui !
je suis dans le world
je suis dans le-
tu as des children toi ?
tu as mis des children dans le world toi ?
pourquoi ?
pourquoi tu as fait ça pourquoi tu le sais ?
tu le sais pas je sais pas moi tu l’as fait alors pourquoi ?
c’est pacifique ça ?
tu crois que c’est pacifiste ?
c’est pas citrique de mettre un children qui are le world et suce l’acide ?
parce que moi je crois pour la paix du chicken
moi je dis c’est mieux c’est ça
- non mais je sais qu’on dit je crois A la paix mais moi je dis je crois POUR
la paix - laisse moi parler ma langue steuplaît-
mais sinon je suis dans le world on est tous des frères
des petites sœurs des frères et des sœurs et des petites frères des frères et
des sœurs tra la la la la

si on s’essuie pas les pieds sur nos paroles
si on s’ennuie pas dessus
parce que les ancêtres nos ancêtres ils ont dit que-
les ancêtres ils veulent parler
ils veulent dire qu’ils ont pas eu le temps
ils ont pas eu le temps de parler
de tout dire
parce qu’il y a trop de bruit
- moi je veux être tranquille
y a trop de bruit partout dehors
moi je veux juste qu’on me laisse tranquille
j’écoute les aïeux ma parole je les écoute mais
y a trop de bruit y a trop de cris dans le world

tu écoutes les enfants toi ?

les enfants qu’est ce qu’ils entendent si tu les frappes
- non mais laisse moi parler qu’est ce qu’ils entendent ?
ne me coupe pas la parole tout le temps toujours tu me-
toujours tu me coupes c’est pas bien
toi quand tu parles tu fais comme l’Amérique tu la coupes à t-
à tout le monde à tout le monde entier tu la coupes c’est p-
c’est pas bien il faut pas couper le world
qu’est ce qu’ils entendent si tu les frappes quand tu coupes
moi je leur demande rien je veux juste être tranquille
qu’on me laisse tranquille avec les esprits
- attend écoute
non mais écoute :
je veux te parler sérieusement

je vais te parler furieusement de la paix parce que
- quoi les esprits  quoi les esprits ?

les esprits ils te chantent la paix c’est nos frères ils nous chantent la paix
si tu changes le disque ils nous chantrent la paix
c’est pas les enfants
c’est pas les enfants qui chantent c’est nos frères
ton père ton grand-père
ta mère c’est ta mère qui te chancre
we are pas le world
ta mère elle chante tu es toi tu es ton pays
tu vis sur la terre tu partages
on vit sur la terre avec les esprits
alors tu partages
tu partages ta terre TOUTE la terre
tu la partages avec tes frères avec-
tu partages avec les esprits tu-
tu COUPES pas
tu coupes PAS la parole aux esprits
tu ECOUTES
si tu écoutes ils te chantent la paix
pas la paix dans le world c’est pas ça
non la paix c’est pas le world la paix c’est-
la paix c’est dans ta rue c’est dans la maison quand il y a du pain
c’est quand tu as mangé et il reste encore du pain tu vois
tu peux venir et il y a encore du pain pour toi
il y a du pain pour les esprits
alors les esprits ils viennent à la table et ils parlent
ils mangent le pain et ils parlent
les esprits ils te racontent la terre
ils te racontent le blé la farine
la farine ils te roulent pas dedans ils te la racontent
ils te disent d’où vient le sel ils te décomptent
ils te chantent l’origine de l’eau parce que ils savent
EUX ils savent
toi tu donnes le pain et eux ils parlent et toi
toi tu PARTAGES
la parole

tu écoutes

après tu donnes aux children
après tu expliques
mais si y a pas de pain chez la voisine ça marche pas
ça peut pas marcher y a trop de bruit
c’est pas tranquille moi je demande qu’ils me laissent tranquille
il y a trop de bruit parce que la faim ça fait beaucoup de bruit
ça couvre la voix des esprits
ils te parlent le blé et ça leur coupe la parole la famine face au fric
ça fait trop de bruit je peux plus écouter la paix ça marche plus
les esprits

j’entends pas

quand ma voisine elle prie j’écoute plus
je vois que le pain kyrie eleïson
la parole elle fait glou glou au fond de l’évier y a pas de vaisselle
y a que les cris
j’entends la voisine par le robinet elle gueule
pis dans le world personne entend c’est juste dans mes tuyaux
et je sais que c’est pas les esprits dans la salle de bains non plus
je fais la différence te fous pas de ma gueule
je la sais la différence c’est pas les esprits
moi je prends les médicaments je fais la référence
la voisine elle crie
elle chante pas le world ma voisine elle geint dans le robinet
elle a même plus l’air dans le robinet elle connaît pas la chanson des-
les children elle connaît pas
elle prend le robinet comme ça tu vois et
comme ça et là elle geint tu sais ce que ça veut dire je geins Seigneur?
non mais attend moi je dis des mots je sais
je parle langue française tu crois quoi ?
je te dis la langue française te fous pas de ma gueule
je te parle avec toi Victor Hugo que tu vas t’évanouir ma parole tu-
que tu vas tomber dans les dunes
tu vas rouler sur le sable de mon désert si je te dis les mots

la voisine

la voisine geint dans les ouaterres-closettes
moi franchement la voisine je te parle au net
honnêtement je la supporte pas elle m’empêche
je peux plus la supporter tranchement je ferme le robinet
je mets les boules qui est-ce et j’essaie les esprits j’attends la paix
mais je prends les médicaments je les prend méticuleusement
tous les jours tous les jours je joue le tour
mais je dis pas non aux esprits vas y dégage rentre chez toi
je leur dis ENTRE entre
entre avec nous deux assied toi assied toi là on va discuter
chez moi y a pas qu’une chaise tout le monde s’assoit
je laisse même le fauteuil si il faut je leur laisse
même à la voisine je lui dis entre
tais toi cinq minutes s’il te plaît madame cinq minutes
tu veux la paix ? écoute l’esprit cinq minutes
écoute madame
ceux qui sont plus là ils parlent encore et y a pas de frontière
dans ma chambre y a pas de frontière
dans ma tête y a pas de frontière le world il a effacé
et pourquoi l’Amérique toujours elle te frappe toujours elle t’efface ?
oh please !

PLEASE voisine !
écoute un peu :

les esprits vont te dire quelque chose Brama Krishna

tu as pas besoin d’apprendre la langue du world c’est bouillie
juste tu CASSES le transistor Brama Krishna Kalachnikov
ta radio tu la PETES et tu vas voir la transition
ça va te brancher sur les bonnes ondes positiven vibrationen
arrête le robinet ARRETE madame
fais le ta ta ta tam tam avec tes mains applaudis l’esprit qui vient
vas y essaye !
fais le tam tam avec ta bouche sois son amie
t’as pas besoin d’apprendre cette langue
t’as pas besoin de la savoir
COUPE l’américangliche COUPE le robinet du world et ouvre la bouche
vas y OUVRE la bouche et fais sauter le bouchon
tire sur ta langue  -laisse moi tranquille toi-
vas y tire dessus et regarde moi dans les yeux
tu vois ?
qu’est ce que tu vois ?
tu vois pas le nœud ?
tu vois pas qu’il y a un nœud au milieu de ta langue - non mais
laisse moi finir laisse moi
j’ai pas fini de dire le nœud-

le nœud il y a une langue au dessus et-
en dessous aussi tu vois

tu entends ?

arrête de bouger le nœud tout le temps on comprend pas ce qu’il dit
si tu le bouges tout le temps le nœud il te remonte dans les oreilles
tu le vois le nœud maintenant ?
oh madame ! tu m’entends ?
le nœud !
tu le vois ?

bon je suis pas- moi je suis pas docteur mais je sais ça :
je sais que de la langue on en voit qu’un petit bout
là nndu woua
odtssu
et ben il y a tout ce qu’on voit pas
tout ce qui parle pas
et nà
endtssou ne nœud
et ben la langue elle coule plus
seulement elle geint dans ta bouche
seulement elle geint parce que le sang de la langue d’en haut il-
il coule plus dans la langue d’en bas qui te sort de la bouche
il coule plus le sang du cul de ta grand-mère

tu m’entends madame ?
l’esprit est en train de te dire quelque chose Vishnou Shiva

il y a que la geinte qui coule seulement la geinte Vishnou Shiva et Moloch
parce que ta grand-mère pour rester vierge avant mariage
le nœud c’est dans le cul qu’elle l’a eu
elle te l’a jamais dit voilà je m’en doutais
que ton Dieu dans un même souffle prenne son âme et son cul
je dis pas n’importe quoi qu’est ce que tu crois que je t’insulte ?
je prends les médicaments tous les jours je donne le pain aux esprits
les esprits c’est des oiseaux si tu leur donnes tes miettes ils te mangent
dans la main ils te cui-cuitent les secrets à moi ils me cui-cuitent parce que
j’écoute

j’écoute ce qu’il y a AU DESSUS de la geinte Moloch
et ton Dieu de vengeance je l’éructe

j’écoute le sang de ton grand-père ça coule aussi de son vieux cul parce
que OUI !
avant la libération le capitaine Eugène il lui a mis sa gégène
ah ça te la coupe  - laisse moi finir Moloch!
ça doit pas te la couper ça doit pas au contraire
c’est ça qu’ils racontent les esprits de ma chambre c’est pas-
c’est CA !

si tu prends les médicaments tous les jours tu te calmes
la geinte dans ton ventre tu la calmes et tu écoutes ils te disent
mais il faut donner le pain si tu donnes pas c’est le world qui te prend

même si tu manques
même si toi-même tu manques il faut donner le pain
c’est pas moi qui le dis c’est le-
c’est le livre qui le dit
parole de nos anciens c’est dans le livre que c’est dit
le livre il dit que même si tu es dans le besoin tu donnes de ton pain
tu fais l’aumône à celui qui demande tu fais l’aumône
surtout si c’est un frère loin de chez lui Moloch
tu t’arrêtes et tu regardes ne fais pas semblant de pas voir tout le monde
sait que tu as vu lui il sait et toi tu sais alors fais pas semblant
arrête toi et regarde ton frère parle avec lui in harmony
tu le regardes et tu souris in harmony
t’as pas de pain à lui donner et alors ?
tu peux pas lui offrir tes yeux tu peux pas donner de ta bouche ?
tu peux pas lui donner une parole l’aumône d’une parole ?
tu peux pas lui tendre la main lui prendre la main la garder dans ta main et
après tu chantes le world et les children ?
mais elle est où la frontière si tu peux pas prendre sa main si tu peux pas
toucher son bras ?

elle est où ta frontière ?

tu veux mondialiser les children et tu peux pas faire craquer une seule
miette de ton cœur sur le rebord de ta fenêtre tu peux rien mettre
elle est où la frontière ?
tu vas les mondialiser comment les children si tu peux pas frotter ta peau
sur celle de ton frère parce que tu crois quoi Kyrie Eleïson je te sonne
tu crois que si tu passes ta peau sur la peau de ton frère en dessous ça va
te mettre le corps en morceaux tu as peur de quoi ?
t’as peur qu’un lambeau de son corps prenne la place d’un coin du tien ?
je te pose la question furieusement :
c’est quoi ta frontière ?

elle est pas trop près de ta peau ta frontière
elle est pas sur le nœud de ta langue
elle est pas dans la parole des anciens sur la Terre ?

alors ? ?

mets un peu de COEUR dans ta cervelle
mets un peu de cœur parce que ta cervelle elle est pas comestible
coupe le transistor et fais la transition mets un peu de cœur
mets un peu de PEAU dans ton regard
sors la tête de ton sac et crache un peu d’esprit quand tu rigoles ouvre le trou
le trou de mémoire ouvre le trou OUVRE LE
laisse couler la langue laisse couler tu vas voir ça va te naviguer
laisse chuchoter les esprits parle à ton frère in harmony
la langue tu vas voir c’est comme les chiens en laisse
quand elle a envie de pisser c’est elle qui tire ta laisse
c’est pas toi qui décides où elle pisse elle pisse où elle veut
c’est pressant tu peux pas lui dire de se retenir
si tu lui dis pisse pas là pisse pas là pisse pas là non plus elle va te pisser dessus
elle va te pisser dans la bouche elle-
et quand tu ouvres la bouche ça sent l’urine
ça sent le sang caillé du cul de ta grand-mère
de la grand-mère de ma voisine qui est toujours dans la geinte où il n’y a
pas de mots
elle a que la geinte qui lui siffle entre ses dents cassées
que la geinte qui prend son élan depuis son ventre
que la geinte de son ventre qu’elle a gratté pour pas donner la vie à sa fille
pour pas lui donner une vie de morte comme la sienne

raconte madame raconte !
arrête la geinte et donne ta grogne !
fais grogner l’esprit de ton grand-père parti derrière la frontière et qui n’est
jamais revenu n’a plus donné de nouvelles
fais grogner l’esprit de sa femme qui n’avait que vingt ans et a élevé seule
ses six enfants
raconte madame raconte !
arrête le robinet et raconte !
PETE la radio du world et raconte le TIEN
dis nous comment même pour faire des ménages il a fallu que tu couches
avec les patrons qui sont devenus les patrons de ton con les patrons de ton trou
LAISSE parler le trou !
LAISSE le dire ce qu’il a vu raconte !
arrête de respecter les secrets faconde aux esprits
les secrets pourrissent en eux-mêmes si tu te tais si tu bâillonnes être
le secret ça t’a pourri ta vie ça t’a broyé ton karma sutra ça te-
et ça continue avec tes fils ça continue :
celui qui tend sa bite pour acheter sa came tu crois que je l’ai pas vu tu
peux dire que t’as rien vu ?
celui qui est devenu balance sous la menace des flics pour pas finir au
cachot tu crois que j’ai rien entendu tu peux dire que t’as rien su ?
il dit qu’il pique pas qu’il se pique pas et qu’il s’étouffe quand il fume
il dit qu’il dit rien parce qu’il sait rien mais les fachos l’obligent à dire
quelque chose ou quelqu’un alors il lance
il lance un nom deux noms ou dix noms il-
il balance ceux qui vendent la came à son frère parce que ceux qui font le
ménage dans le vagin de sa mère il peut pas
il peut pas les balancer c’est les-
c’est les mêmes
les mêmes que ceux du world et qui veulent les children
le secret c’est comme le son ça pourrit en soi si ça sort pas ça nourrit pas
si ça fait pas d’écho si ça fait pas d’uppercut à l’amertume
- moi je prends les médicaments je les prends-
je les prends et je sécrète
je sécrète je sécrète
je laisse couler laisse couler va va va !
VA la parole qui dit quelque chose qui effeuille les pétards de ta rose
VA la parole qui pisse dru et te glisse dessus
VA la salive qui t’évapore et t’accouche
VA le mot qui se condense qui te transe
VA la trace sur ta peau qui te-
QUOI ?
quoi keskiya keskiya  quelle esquive il y a ?
ça t’emmerde que je te dise ça ?
ça fait des taches sur ta chemise des auréoles qui-
des auréoles qui sentent pas bon sur le nylon ?
c’est pas joli ce que je dis c’est ça ?
non c’est pas joli c’est pas-
c’est pas décent je ne suis pas décent je-
je sens pas bon hein je sens mauvais je sens le renfermé hein
je sens le ring qui est dans ma tête mais PAS K.O je suis PAS K.O
je suis pas K.O parce que tu sais quoi ?
je reprends les esprits

oui madame !

je reprends les esprits
pas les miens non pas les miens
je reprends les esprits du MONDE oui
les esprits de l’AUTRE les esprits du temps passé qui ne passe pas
qui est coincé
esprits du temps de l’autre de ses jours et de ses nuits où je m’enfuie
esprits qui rôdent sans corps sans tête et sans bras comme une odeur d’errance
esprits aux ailes de l’effroi qui planent dans les vapeurs de la putréfaction
esprits d’ordures et de déchets esprits carton esprits plastiques
esprits verres tissus bouteilles esprits téléguidés esprits des rats et des
oiseaux esprits du poil et de la plume et-
ondes de voix et d’idées ondes de rêves
ondes de sons et de matières ondes réelles cris de cauchemars
ondes ondes  ondes ondes  ondes ondes
ondes des mondes qui grondent
ondes passagères que j’éternise
ondes brouillées que j’éclaircis
que je recycle que je donne donnedonne donnedonne donnedonne
redistribue redistribue tout ce tribut à vos tribus
ondes à vomir que je te donne prends c’est à TOI
ondes du vert de tout le bleu qui est à nous PRENEZ
prenez ce qui me viole et que je rends PRENEZ
prenez en moi comme vous priez Dieu
oui VOUS ! vous en qui Dieu s’est enfilé par la fente de vos culs et par le
trou de vos nombrils et qui vous donne sa voix que vous n’entendez pas
et qui vous donne son nom pour le gémir
et qui vous vole le vôtre pour y dormir peinard le soir quand tout est calme
et que la bête dort Moloch
et qui vous vole vos ans et tous leurs sentiments
et qui vous brime la joie vous fait claquer des dents
qui vous dérègle l’horloge et qui vous pousse au festin et vous ne sentez
pas que les siècles s’écoulent et-
qui vous obstrue le nez par où aussi il Saint-Sinus
vous rendant ignorants des odeurs riches de vos poubelles qui sont les
seules à crever sans aucun commentaire
par la fente de vos culs celui dont le nom est si sacré s’est engouffré en
disant NON ! cet endroit est interdit cette zone est réservée
seul moi y ai le droit de décharger
moi seul en occupe la brèche et son envers
moi seul y fourre la tête pour vous assommer de mon NOM
et jouir de vos lamentations le long des murs infranchis
moi seul en contrôle la fissure moi seul Jehova
MOI SEUL je passe le doigt à cette bague qui vous lie
MOI SEUL en connaîtrai la chaleur - de cette fente sans écho
où pisse le vin aigre des revanches
où reniflent les chiens qui n’ont plus de vos larmes pour se désaltérer
où résonne la rumeur des grandes foules muettes se roulant dans la glaise
cette rumeur pourtant elle vous suit partout sans pouvoir vous défaire de
votre boue vous défaire
elle vous suit pourtant le long des fosses communes de vos communes
elle coule sur les ronces de vos plaintes et les orties de solitude
au cœur des pétales de la famine vautrée à l’ombre de vos recoins
et cette ombre après vous vous y laissez vos enfants
le long des routes de poussière
offerts aux écorchures aux insultes et à la haine
offerts au fric et aux matraques des barrages
incapables de revenir aux sépultures souillées de vos ancêtres
qui n’ont pas fini de parler non
et de dire la trahison
comme bêle le sable
comme râlent les malades
dont vous battez les flancs au lieu de prendre leur peau
de la bercer et la mouiller d’un soupçon oui mais d’un soupçon de désir

et que vous poursuivez en disant qu’ils vous gênent c’est ça
en disant qu’ils vous gênent les pauvres fous
pauvres fous

voilà madame !
voilà ce que je dis : la vérité
la vérité que je sue
la puante vérité
goutte à goutte
que je gerbe goutte à goutte
un mot après chaque mensonge un mensonge dans chaque mot
et la honte mot à mot la honte qui suinte et qui sèche au lit du temps
trépas à la lie franche du temps
fonte trépas reformation de la honte et j’en brouille les pistes


et contre l’usure de moi-vérité j’ouvre bien tous mes trous à la langue qui fouille
aux voix profondes des djinns aux sons de leur savoir entre deux tas d’ordures
viens madame c’est pas trop tard vas y ENTRE dans le bain au hammam de
ton histoire Allah
LAISSE la vapeur t’envelopper Allah
LAISSE ramollir ta geinte et MACHE ta langue Allah
tu veux mourir madame ?
c’est tout ce que tu sais dire au toubib que tu veux mourir ?
-docteur donne moi les pilules qui font mourir s’il te plaît-
tu prends les pilules et tu t’en vas tu vas laisser tes children ta voisine et
ton chien tu vas laisser tes fils avec la geinte dans leurs couilles coupées
qui leur remontent à la gorge et leur ficelle la luette
tu veux mourir sans avoir parlé ?
sans avoir reçu sans avoir joui sans avoir dit ce qui gang-règne ?
tu veux partir sans écouter les esprits ELLE VEUT MOURIR LA MADAME
dans son pays castré
mesdames messieurs la société la madame veut nous QUITTER !
l’infidèle veut partir dans l’autre monde elle ne veut plus de son pays qui
s’efface qui s’efface
qui s’efface dans le world quand l’Amérique frappe quand l’Amérique frappe
dans le world
elle en veut plus elle en peut plus des rodéos des vidéos et des cycles du
sang qui boue dans ses petites reliques qu’elle lèche et qu’elle adore
elle en veut plus elle en peut plus de ses patrons qui la labourent à sec et
de sa propre voisine qui geint tout le temps et qui pleure qu’elle a bien fait
son temps qui n’était pas un bienfait
de ses fils à ramasser à nourrir et à rafistoler à rustiner comme des pneus
pourris de bicyclette qui déraille pour qu’ils repartent piquer se piquer
balancer se faire foutre par des fachos dans des cachots
ELLE EN PEUT PLUS DES MORTS-VIVANTS !
elle dit docteur tuez moi parce que moi déjà je suis morte Allah
je veux pas vivre dans le world et j’ai plus de jardin Allah
l’écharpe de la paix me faites pas rigoler c’est au COU que je me la fous !

voilà !
voilà ce qu’elle dit la simple madame
voilà ce qu’elle dit mesdames messieurs la société
mesdames messieurs les assistants vous assistez !
vous assistez à son épuisement
vous assistez à son écoeurement
à sa langue qui pend voilà
à son cul qui se fend voilà
à son ventre qui rend voilà
à sa bouche qui se tend voilà
à son aîné qui ment voilà
à son cadet qui ment voilà
à son chef de gouverne qui ment
à son enterrement
vous assistez à son enterrement

vous assistez vous assistez
A QUOI assistez vous VRAIMENT ?

(Texte de la performance donnée le 9 juin au poesiefestival Berlin 2010)

© Pierre Guéry
De: Alien-Nation. mécanique de parole pour la scène
Bruxelles: Maelström Editions, 2006
Producción de Audio: Literaturwerkstatt Berlin 2010
Contrabass played by Arnulf Ballhorn

*** [Redžo Begić fiel]

***

Redžo Begić fiel
auf dem Golo brdo
das Geschoss ging
senkrecht durch seine Brust
aus dem Mund lief ihm Blut
anstatt warmer Luft
sein Gesicht wurde
weiß und gelb
das alles dauerte ein paar Sekunden
das Blau des Himmels
sammelte sich in seinen Lippen

Aus: Faruk Šehić. Abzeichen aus Fleisch. Aus dem Bosnischen von Hana Stojić. Edition Korrespondenzen, 2011