De la douceur

Tout est là: froissements de tissus, ailes brisées, bruits de salive, claquements, cris, lézardes. Toutes les musiques du corps, attachées les unes aux autres, au rythme des choses simples. Au loin, un ciel pourpre qui s'en va. Tout près, un étoilement ou une trouée, quelque chose de flamboyant qui fait signe: une table d'écriture, une femme assise, étonnée, les mains pleines d'argile et d'encre. Elle a posé son corps dans le réel, dans le brouillard que produit la terre, en se soulevant. Et son corps — ce sel ramassé dans ses os, sa folle humanité — veille contre l'oubli. Elle est là, toujours assise dans le réel, à se demander si, au ras du sol, le bonheur a un parfum. Hiver après hiver, elle glisse dans sa voix: «Cela ressemble à de la douceur.»

© Éditions Roselin et La Cour pavée
De: De la douceur ; eau-forte sur cuivre de Jacqueline Ricard
Montréal et Paris : Editions Roselin et Editions La Cour Pavée, 1997
ISBN: www.bibliopolis.net/roselin
Producción de Audio: 2002, M.Mechner / Literaturwerkstatt Berlin

Wie Milde

Alles ist da: Rascheln des Stoffes, zerbrochene Flügel, Speichelgeräusche, Knacken, Schreie, Risse. Alle Klänge des Körpers miteinander verknüpft, im Takt der einfachen Dinge. Weit draußen ein Purpurhimmel, der verschwindet. Ganz nah Sternengesprenkel oder eine Schneise, irgendetwas Loderndes, das winkt: ein Schreibtisch, daran eine Frau, erstaunt, die Hände voller Tinte und Lehm. Sie hat ihren Körper in der Wirklichkeit abgesetzt, in den Nebel, den die Erde hervorbringt, wenn sie sich erhebt. Und ihr Körper – das in den Knochen gesammelte Salz, verrücktes Menschsein – wacht gegen das Vergessen. Hier ist sie, sitzt noch immer in der Wirklichkeit und fragt sich, ob das Glück am Boden einen Duft ausströmt. Winter um Winter flößt sie ihrer Stimme ein: « So etwas wie Milde »

Übersetzung aus dem kanadischen Französisch: Odile Kennel