Madeleine Gagnon
RÉMINISCENCES
Idioma: francés
Traducciones:
alemán (Leise Erinnerungen)
RÉMINISCENCES
J’entends le chant de la terre, on me croirait assise sur sa plus haute falaise, j’entends
La galerie est de travertin, marbré de rose, d’ocre et d’opale, j’entends jusque dans ma main
La main caresse cette poudre calcaire, ruisselle à mon tympan le bruit de la matière
Plus bas, très loin, la mer, ce pourrait être l’Atlantique mais c’est l’Égée d’enfance imaginée
J’entends le chant de la terre, tous les espaces m’habitent, l’oreille n’a pas de frontières
Au nord du quarante-neuvième parallèle, sur la plus haute falaise de grès sédimenté, j’entends le chant de la terre
Mes doigts suivent le filet rouge, mes doigts cherchent la mémoire des âges sous le quartz érodé
Sur le grain veineux, je palpe une brèche sonore, j’entends le chant de la terre
Par-delà tout désastre entrevu, au bord du gouffre nucléaire
Rivant le corps entier au moindre souffle chu des pulsations d’astres
J’entends le chant de la terre
À mes pieds dans ce Nord tout juste frigorifié que le printemps encore réchauffe
Je vois, ramassée fœtale en plein conglomérat, tassée au sein du galet de silex
L’image d’une sphère vivante, douée d’yeux et de bouche avec, enfouie comme en un songe
Une oreille qui vibre et qui écoute, je sais, je prends la roche au creux de ma main
J’entends le chant de la terre