Jean Portante
extrait de POINT D‘INTERROGATION
extrait de POINT D‘INTERROGATION
JE LIS MON HISTOIRE dans les yeux
de ma mère
la table est mise et
mon père est mort
et je flotte
dans la cuisine comme
une odeur d'huile
d'olive puis viennent
les soldats et
comptent nos fourchettes
UN AUTRE JOUR nous jouons
et le couteau glisse
et se cloue dans le sol
à deux doigts
de là il y a une ville
on flâne dans le centre
on lèche les vitrines et
la lame se glisse
sans bruit dans le coeur
de la plus vieille statue
L'ARBRE EST UN ASCENSEUR vers
les fruits qui mûrissent
là où ils attendent
une échelle ne suffit plus
même la main doit
être plus grande que
d'habitude et les feuilles
se réjouissent
elles aussi des
progrès de la science
IL NEIGE SUR L'ÉCRAN de la
télévision dans mes
yeux il y a un hiver
et dans les tiens
une avalanche de désir
cela est sans doute dû à
l'antenne collective dis-tu
ou et c'est moi qui
le pense au solitaire
comique de la situation
ENTRE LA PORTE ET LE PLANCHER il
y a un trait très fin de lumière
et des pas de l'autre
côté qui imitent
l'ombre tu es donc encore là
et mes pas à moi n'imitent
rien qui attend qui les pas
de l'autre côté les miens
ou ceux qui n'imitent rien
ceux qui imitent l'ombre
CETTE SALLE À MANGER est en progression
demain la table et les chaises
pendront du plafond
la porte sera à l'envers et
le téléphone sonnera huit fois
il y a un but dans la marche
des choses nous ne sommes
qu'à mi-chemin puis tout
sera comme avant et le
téléphone sonnera huit fois