Marc André Brouillette 
Translator

on Lyrikline: 5 poems translated

from: german, english to: french

Original

Translation

[dicht noch gefächert vom licht]

german | Nico Bleutge

dicht noch gefächert vom licht (als wär ein straßennetz
darüber ausgebreitet
) sind diese dächer kaum zu übersehen
die aus den gärten ragen, wellblech, fast verwachsen

mit kletterranken, ausgebleichten büschen. am eingang
fährt der finger leicht nach links, die kolonie
grenzt an planiertes gelände, während sich rechts, auf

einem nebenpfad, die ersten schatten zeigen. rauch
steht in den wegen, hüllt die platten ein, in stapeln
hängen bretter in der luft, lackiertes holz kommt

weiter hinten erst, die lauben, leimbehandelt
selbstgesägte rohre aus der wand, davor ein flimmern
rauschen, wärmeaustausch findet statt, das gleiten

empfindlicher stoffe. hartkuppig zieht der finger wieder los
auf den am rand gefegten wegen, den wällen
der bepflanzung zu. jätfurchen, frische grasterrassen

die wassergruben dunkeln ein. allein die luft pumpt
und der strom fließt weiter durch die gärten, die lichter
an den pfosten, brennen schon

© Verlag C.H.Beck oHG, München 2008
from: fallstreifen. gedichte
München: Verlag C.H.Beck, 2008
Audio production: 2007 Literaturwerkstatt Berlin

[serrés encore déployés par la lumière]

french

serrés encore déployés par la lumière (comme si un lacis de rues s’était
posé
) ces toits que le regard ne peut manquer
surgissent des jardins, tôle ondulée, presque déformée

avec des plantes grimpantes, des buissons décolorés. à l’entrée
le doigt se déplace légèrement vers la gauche, l’enceinte de jardins alignés
confine au terrain aplani, pendant qu’à droite, sur

un chemin secondaire, les premières ombres apparaissent. de la fumée
flotte dans les allées, recouvre les dalles, empilées
des planches tiennent dans les airs, du bois vernis traîne

plus loin derrière, les cabanes, bricolées avec de la colle
des tuyaux coupés grossièrement hors du mur, avant un miroitement
un frémissement, un mouvement d’air chaud se produit, le glissement

de tissus délicats. le doigt racorni se remet à parcourir
les allées aux bordures balayées, en direction
de la plate-bande. rangées désherbées, terrasses fraîchement semées

les réserves d’eau s’assombrissent. seul l’air respire
et le courant électrique continue de circuler à travers les jardins, les lumières
sur les poteaux, sont allumées déjà

traduction de Marc André Brouillette
(avec la collaboration d’Aurélie Maurin),
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

The Painted Beasts of Lascaux

english | Paul Vermeersch

Their discovery has been a kind of homecoming, too.
Part of you has been here before, germinal, hidden.
A painted hand resting on the stone. A molecule.
A memory of muscled, brawling giants buried
deep within, their horns goring the darkness
locked in the rock of ages. These horses were born
thousands, tens of thousands of years too soon
to be anything but horses. Too soon to be centaurs,
too soon to be starships. Remember, these herds
are the same on these walls as they were in their fields
as they are in your mind. Listen. Their hoof beats
trampling this ancestral earth are still the drums
that drive the song rising red in your marrow.
The abiding chant of the hundred billion dead
who came before you. Their distant voices vanished
into your voice, deepening it. Their song the song
that’s been snarled in your heart – breaking it,
trying to work its way free – for your entire life.

© Paul Vermeersch
from: unpublished
Audio production: 2007, Literaturwekstatt Berlin

Les bêtes peintes de Lascaux

french

Leur découverte a été une sorte de retour aux sources, aussi.
Une partie de toi s’est trouvée ici auparavant, embryonnaire, cachée.
Une main peinte s’appuie sur la pierre. Une molécule.
Mémoire de ces géants musclés et bagarreurs enterrés
profondément, leurs cornes transpercent l’obscurité
incrustée dans le roc du temps. Ces chevaux sont nés
des milliers, des dizaines de milliers d’années trop tôt
pour être autre chose que des chevaux. Trop tôt pour être des centaures,
trop tôt pour être des vaisseaux spatiaux. Souviens-toi, ces troupeaux
sur les parois sont pareils à ceux qui étaient dans les prés,
à ceux qui sont dans ta tête. Écoute. Leurs battements de sabots
piétinant cette terre ancestrale sont toujours les tambours
qui mènent le rythme enfiévré dans ta moelle.
Le chant persistant de cent milliards de morts
qui étaient là avant toi. Leurs voix lointaines se sont fondues
dans ta voix, la rendant plus grave. Leur chant, le chant
qui s’est contorsionné dans ton coeur — l’a brisé
en tentant d’en sortir — depuis ta naissance.

traduit par Marc André Brouillette,
(avec la collaboration d’Arnaud Roi et Steven Corcoran)
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

Smoke

english | Paul Vermeersch

As small as I was, before my hair ever darkened,
when I was still a flash of white, my platinum locks,
my baby teeth, the perfect sclera that had never shown
blood vessels already burrowing like pinworms
into some distant morning’s hangover, some rage
at grown-up failures, when I was still that flawless,
that twenty-four carat pure, I knew it was you
who came into our house and weakened my father’s heart,
who choked my mother’s laugh into a cracked and arid rasp.
I saw you loitering in our kitchen, clinging to our windows,
wearing your cheap perfume, when in my nightmares
you were always hiding in the closet, or under the bed,
or curled up like a polyp in the dog’s nostril, waiting
to explode. You lived with us. You touched everything.

We met again when I was sweet sixteen, you so neat
and slim in your white slip, and me sliding, glass by glass,
into my first drunk. At night in a friend’s backyard
fifteen years ago, the fire-lit trees spread their branches
into darkness. The stars above them seemed a little nervous
when they twinkled. The chatter was coming unravelled;
voices walked across the lawn without their mouths
saying words like “punk” and “fuck” and “faggot,”
words without targets, exempt from meaning, so that
the edges peeled away from every sound, every memory.
When someone refused to kiss you, you came to me,   
surprised at how much I’d grown – taller, darker –
and though you hadn’t changed, I wasn’t frightened.
I brought you to my mouth and breathed you in all night.

© Paul Vermeersch
from: unpublished
Audio production: 2007, Literaturwekstatt Berlin

Fumée

french

Quand j’étais petit, avant que mes cheveux ne deviennent foncés,
quand je n’étais encore qu’un éclair de blancheur, mes boucles platine,
mes dents de lait, le blanc de l’oeil parfait sans aucun
vaisseau sanguin qui creuse comme des vers
un quelconque lendemain de veille, de la rage
contre les échecs des adultes, quand j’étais encore sans défaut,
du pur vingt-quatre carats, je savais que c’était toi
qui venais dans notre maison et affaiblissais le coeur de mon père,
qui étranglais le sourire de ma mère en un gémissement rauque et râpeux.
Je t’ai vue rôder dans la cuisine, te coller aux fenêtres,
portant ton parfum bon marché, dans mes cauchemars
tu te cachais toujours dans le placard, ou sous le lit,
ou tu t’enroulais dans la narine du chien, comme un polype qui attend
d’exploser. Tu habitais avec nous. Tu touchais à tout.

Nous nous sommes revus dans la douceur de mes seize ans, toi si soignée
si fine dans tes dessous blancs, et moi glissant, verre après verre,
dans ma première ébriété. La nuit, dans la cour d’un ami
quinze ans plus tôt, les arbres flamboyants déployaient leurs branches
dans l’obscurité. Les étoiles au-dessus d’eux semblaient un peu nerveuses
lorsqu’elles scintillaient. Le bavardage nous parvenait emmêlé,
les voix marchaient sur la pelouse sans leur bouche
lançant des mots comme « minable », « fuck », « tapette »,
des mots sans intention, dépourvus de sens, à tel point que
les contours se détachaient de chaque son, de chaque mémoire.
Après que quelqu’un a refusé de t’embrasser, tu es venue à moi,
surprise de voir combien j’avais grandi — plus grand, plus foncé —
et bien que tu n’aies pas changé, je n’ai pas eu peur.
Je t’ai portée à ma bouche et je t’ai inspirée toute la nuit.

traduit par Marc André Brouillette,
(avec la collaboration d’Arnaud Roi et Steven Corcoran)
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

frottee

german | Nico Bleutge

undankbar seist du gewesen, sagte die stimme
sagte kein laut und drückte sich langsam näher
dicht an den körper heran, die haut ganz pelzig und kalt
locker die hand, locker die falschen zähne
der geruch eine wand, von wasser zerfressen, nicht genug
der fuß, der sich nach außen reckte, einen bogen zog
an was ich dachte, weiß ich nicht, aber ich sah
die schlieren am fenster, das dünner werdende licht
doch nicht gemerkt, wo sich die augen treffen und die knie
das reißverschlußgeräusch, wenn hier die fetzen fliegen
bin ich immer ruhig
, geläutert fast, die arme, hände
an der hosennaht. da hilft kein zittern, kein geheul
kein vor die brust gestrecktes eisen. sandstrahler waren es
die mir den rücken lösten, die gelenke knacken ließen
gleich zu beginn, jetzt schon war nichts mehr zu spüren
als wär ein vögelchen im innern, für momente taumeln
torkeln, so flattrig, dann hinab. nur dieses tasten, kneten
auf dem frotteetuch, das liegenbleiben, mit dem schweiß-
geruch, haare klebten an mir, ich fiel in tiefen schlaf
ein tropfen weckte mich später
, ging hinein in den kopf
kein ton mehr, keine feuchtigkeit, die hände hielten
still. luft kam vom fenster, mild, beinah verläßlich

© Verlag C.H.Beck oHG, München 2008
from: fallstreifen. gedichte
München: Verlag C.H.Beck, 2008
Audio production: 2007 Literaturwerkstatt Berlin

Tissu éponge

french

tu aurais été ingrat, a dit la voix
a dit pas un mot et s’est rapprochée lentement
encore plus près du corps, la peau insensible et froide
la main desserrée, les fausses dents desserrées
l’odeur d’un mur rongé par l’eau, pas seulement
le pied, qui s’est étiré vers l’extérieur, a tracé une courbe
à quoi ai-je pensé, je ne sais pas, mais j’ai vu
les traces sur la fenêtre, la lumière qui s’affaiblit
mais je n’ai pas remarqué où se sont croisés les yeux et les genoux
le son de la fermeture éclair, quand on s’entre-déchire
je suis toujours calme
, presque limpide, les bras, mains
le long du corps. rien ne sert de trembler, de pleurnicher
aucun pistolet contre la poitrine. des jets de sable
m’ont brisé le dos, ont fait craquer les articulations
dès le début, on ne ressentait déjà plus rien
comme si en moi par moments un oiseau chancelait
titubait en battant des ailes, puis tombait. Seulement ce tâtonnement, frottement
sur la serviette éponge, dans la position allongée, avec l’odeur
de sueur, des cheveux me collaient à la peau, je sombrais dans un sommeil
                                                                                                 profond
plus tard une goutte m’a réveillé
, est allée à l’intérieur de la tête
plus un bruit, aucune moiteur, les mains restaient
immobiles. l’air est venu de la fenêtre, doux, presque rassurant

traduction de Marc André Brouillette
(avec la collaboration d’Aurélie Maurin),
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007

A Glass Eye Finds Its Purpose

english | Paul Vermeersch

I came in a bottle, a prize like the worm
in the mezcal you swallowed
in lieu of an apology. Isn’t it lovely
how I complement your fragile face?

My gold-flecked chestnut iris is
a perfect match to your
gold-flecked chestnut iris, but
I fail to redden when your mood flags,

or when the nervous field-mouse beating
of your heart makes sleep impossible,
or when drinking deepens it
and you awake a little damaged.

I know I’m no great help. I fail to flinch
at the fist that brought me here, raised
in your blind periphery. I fail to see
how I can be of any use to you except

as a decoy. . . to draw away his jabs,
his right hooks and uppercuts, to blur
his wild uneven blows, to lure
your twin ballistic voices, the slurred

epithets you swap, like broken teeth
spat against a wall, to finally bring
the rising, untreatable fever of your love
into the umbra where everything’s equal.

© Paul Vermeersch
from: unpublished
Audio production: 2007, Literaturwekstatt Berlin

Un œil de verre trouve sa raison d’être

french

Je suis arrivé dans une bouteille, un cadeau comme le ver
dans le mezcal que tu as avalé
au lieu d’une excuse. N’est-ce pas charmant
la manière dont je complète ton délicat visage?

Mon iris châtain tacheté d’or
s’accorde parfaitement avec ton
iris châtain tacheté d’or, mais
je n’arrive pas à rougir quand ton humeur flanche,

ou quand le battement de ton cœur, nerveux et rapide
comme une souris, t’empêche de dormir,
ou quand l’alcool l’alourdit
et que tu te réveilles un peu amochée.

Je sais, je ne suis pas d’une grande aide. Je n’arrive pas à tressaillir
devant le poing qui m’a amené ici, levé
dans ton angle mort. Je n’arrive pas à voir
comment je peux t’être d’aucune utilité si ce n’est

comme un leurre… pour distraire ses directs,
ses crochets du droit et ses uppercuts, pour troubler
ses coups sauvages et irréguliers, pour attirer
vos deux voix balistiques, les épithètes

inarticulés que vous échangez, comme des dents cassées
crachées contre un mur, pour finalement amener
la fièvre montante, incurable de votre amour
dans la noirceur où tout est sur un pied d’égalité.

traduit par Marc André Brouillette,
(avec la collaboration d’Arnaud Roi et Steven Corcoran)
Versschmuggel, Poesiefestival Berlin 2007