Les enfants passés au tamis

C’est pour toi, pour que tu sois plus grande et plus belle
et plus droite,
que je me suis coupé le cœur en deux,
comme un sabot d’agneau.

J’ai volé et j’ai menti, j’ai craché du sang.

J’ai lavé des cadavres
et j’ai dormi sur des sacs plastique
remplis de déchets trouvés dans les poubelles,
dans des rues qui gardent toujours
un couteau à la main j’ai dormi,
parmi les écailles des vieux mendiants de la ville,
qui, en ton honneur, se sont laissé pousser
la barbe jusqu’aux chevilles,
comme les anciens Sumériens
partis chasser des lions pour leurs bien-aimées.

C’est pour toi que je me suis laissé hanter
par les cagous de minuit,
c’est auprès de toi que j’ai pleuré quand tu grattais la terre
avec les ongles, comme un cheval aux yeux arrachés,
j’ai pleuré, comme une suicidaire
dont le train réchauffe les jambes.

J’ai vécu parmi les enfants de la rue
qui inhalent de la colle, livides
comme quelques grosses pierres bercées
par les filets de l’éther,
que le tamis fait tourner dans le concasseur,
dans les égouts.

C’est pour toi que j’ai hurlé à la croisée des chemins, hissée
– sur quelque raclage hissée –
dans les fourches des barbeaux.
Je me suis laissé voler par les casseurs, par les magouilleurs,
dans le vacarme des cuillères grandes comme des pelles,
qui tintaient dans les gamelles.

J’ai erré à travers les troquets
qui sentaient le gaz, le chipset brûlé, le réseau,
je me suis frottée aux pyramides de vodka
et aux mains de tes grands hommes
– comme un chat qui se frotte au manuel d’électricité –,
ils ont aussi empourpré mon autre joue,
sans cesse leurs doigts ont heurté ma côte
et ils ont coupé mon cœur en quatre,
en riant, « parce que les auras des saintes sont ainsi »,
et ils m’ont passée au tamis
en même temps que tes autres enfants,
ils m’ont mis le bâillon d’autres paroles.

En ton nom, j’ai caché, comme une ordure,
dans mes poches, parmi les hardes,
les rats vigoureux de la trahison.
J’ai nourri, c’est avec ma chair
que j’ai nourri le pitbull du cachot.
J’ai pleuré, quand tu grattais la terre avec les ongles,
tout comme les chevaux aux yeux arrachés.

Oui, c’est pour toi que je suis entrée en force dans ce monde
comme une vague de sang
qui ne retrouve plus son chemin vers le cœur.

© Linda Maria Baros
From: L’Autoroute A4 et autres poèmes
Le Chambon-sur-Lignon: Cheyne Éditeur, 2009
Audio production: Literaturwerkstatt Berlin 2011

Die ausgesiebten Kinder

Für dich, auf dass du größer und schöner
und aufrechter werdest,
hab ich mir das Herz in zwei Teile geschnitten
zum Huf eines Lammes.

Gestohlen hab ich und gelogen, Blut hab ich gespuckt.

Leichen gewaschen hab ich,
geschlafen hab ich auf Plastiksäcken voll Abfall,
in Mülleimern gefunden,
in Straßen, immer ein Messer zur Hand, hab ich geschlafen
im Schildpatt der alten Bettler der Stadt,
die, dir zu Ehren, sich den Bart
knöchellang wachsen ließen
wie alte Sumerer,
wenn sie auf Löwenjagd zogen für ihre Liebsten.

Für dich hab ich mich von den Mitternachtsgangstern
heimsuchen lassen,
neben dir hab ich geweint, als du mit den Nägeln
auf der Erde gescharrt hast wie ein Pferd mit ausgerissenen Augen,
geweint hab ich wie die Selbstmörderin,
deren Beine die Bahn erhitzt.

Gelebt hab ich unter Straßenkindern,
die Klebstoff schnüffeln, fahl
wie ein paar in den Netzen des Äthers
schaukelnde Brocken aus Stein,
das Häckselsieb dreht sie
in die Abflusskanäle hinein.

Für dich hab ich an der Kreuzung geheult, aufgestellt
– auf etwas Geschabtes gestellt –
vor den Spitzen der Zuhältergabeln.
Von Schlägern hab ich mich einsacken lassen, von durchtriebenen Typen,
im Lärm der schaufelgroßen Löffel,
die in den Blechnäpfeln klangen.

Durch die Kaschemmen bin ich geirrt,
die rochen nach Gas, verbranntem Chipsatz, nach Netzwerk,
an Pyramiden aus Wodka hab ich mich gerieben
und auch an den Händen deiner großen Männer
– wie eine Katze sich reibt am Handbuch für Elektrizität –,
auch meine andere Wange haben sie purpur gemacht
immerzu ihre Finger in meine Rippe gerammt
sie haben mein Herz in vier Teile geschnitten
und gelacht haben sie, „weil die Auren der Heiligen nun einmal so sind“,
sie haben mich ausgesiebt
gemeinsam mit deinen anderen Kindern,
mit fremden Sprachen haben sie mich geknebelt.

In deinem Namen hab ich wie Unrat,
in den Hosentaschen, unter Lumpen
robuste Verräterratten versteckt.
Genährt hab ich mit meinem Fleische
diesen Pitbull von Knast.
Geweint habe ich, als du mit den Nägeln auf der Erde gescharrt hast
ganz wie die Pferde mit den ausgerissenen Augen es tun.

Ja, für dich bin ich in diese Welt eingedrungen
wie eine Welle aus Blut,
die ihren Weg zum Herzen nicht wieder findet.

Deutsche Fassung von Ulrike Almut Sandig.
Die Übersetzung entstand im Rahmen des Übersetzungsworkshops Versschmuggel des Poesiefestivals Berlin 2011