Refaire (le chemin)

Rentrer en soi
retrouver cette fêlure qui
prétendait au statut d'âme
rentrer en soi veut dire
décrépir les hantises
trouver des lenteurs
de bête sauvée des eaux
et hurler     C'est moi
je suis revenu
laissez-moi m'asseoir
juste le temps d'un souffle.
  

***


Encore un devoir de vivant
poser sa plume toute chaude
et reconnaître que la vérité
s'apprend de même que l'algèbre
avec une même crédulité
qu'elle ne tombe pas des cieux
et ne trône pas dans l'aura des livres
il est temps encore d'enseigner
le métier incroyable d'otage
goutte à goutte
en l'imminence de l'incision
dans l'artère déroutée.


***


Au loin les roulements de tambour
se sont tus par miracle
on t'entend à nouveau rossignol
signifier que rien n'est perdu
même si le sommeil est fragile
on entrevoit le mystère des yeux
si longtemps embellis par les larmes
on réapprend l'urgence d'inventer
des patries idéales dans le noir.


***


Que ton regard soit lisse
dans l'échancrure des montagnes
au loin
mais sois rugueux au fond de toi
plante un chêne en ton cœur
que l'écorce mette à vif
ta bonté singulièrement
effarouchée.


***
 

L'époque si joliment enrubannée
traverse en rampant son histoire
les otages se comptent en pages blanches
on sent tomber les premières gouttes
sur la mémoire aride et désolée
sous les yeux des enfants
dans les cœurs pris à revers
le feu indocile fait place nette.


***


Demandons au gui bienveillant
couronnant l'arbre qui
de toute façon nous survivra
de tenir douce et fraîche
notre main dans la ruche
tant qu'il plaira au miel.

© Bernard Campiche Éditeur
From: Sauver sa trace
Orbe: B. Campiche, 2000
Audio production: H.Strunk / M.Mechner, literaturWERKstatt berlin, 2003

КОГА СПИЕЈА ПЕЧКИТЕ [ I / Берлин ]

Штом се разбудивме со гнезда
в коси што ги викавме ноќ

заздравените татковци ги затворија
со широк замав сите капаци

спиеја печките без нас
сами в нивниот заборав

Превод од германски: Душанка Каевска