Suzanne Jacob
[Une heure dite, un lieu dit]
1.
Une heure dite, un lieu dit,
tu as rendez-vous avec sa face obscure,
tu es seul, seule aiguille,
rien n’est appelé, tu ne reconnais rien,
mais tu peux tout,
même reculer en brassant des affaires.
Chacun de tes regards, linge actif, bruit.
Elle trouve le fil du marbre, tire et te découd,
cassant la marche arrière.
2.
Personne n’a vu le début
où le ciel était plié dans l’œuf avec le feu,
où le feu était plié dans le sable avec la neige,
où la neige était pliée dans la mer avec la ville,
où la ville était pliée dans ton oreille avec de l’eau,
où toute l’eau était pliée dans l’eau
hors du visage que le jour exige.
Personne n’a vu le début
afin qu’un seul, seule aiguille,
reste créé.
3.
Une heure dite, un lieu dit,
tu te montres mais personne n’apparaît,
tu en parles mais personne ne le dit,
tu multiplies les gestes
mais aucun acte n’en résulte.
Vide la main infestée de ce que tu fuis
si tu dois apprendre ici
qu’il y a décès mais non la mort.
4.
Tu poses ton front sur le fruit crû.
Ta main se descelle, tu renonces
à ce que tu fuis
pour mieux apprendre ici
qu’il y a décès mais non la mort.
Ta main délestée,
ta main ouverte et déblayée
palpe l’essor de l’eau qui sourd
de ton nom divulgué.
Car tu restes créé.
5.
Rien ne tiendrait créé
sans la fureur de l’image qui te médite.
Elle a broyé la flèche,
elle a dérouté l’éclipse,
elle a disloqué la foudre,
laissant l’air libre
et du passage dans la mer feinte.
6.
Tout te revient à toi,
la canne et la coiffe aussi bien.
Tu peux tout puiser à même le néant qui t’aiguise.
Tu te montres et le monde apparaît,
Tu en parles et tu entends qu’on le dit
et tu sais les actes qui en résultent.
Aucun recommencement
n’épuisera l’origine
car tu restes
créé.