Jean-François Poupart
À LONDRES TU PORTES TOUS LES PÉCHÉS DU MONDE
À Londres tu portes tous les péchés du monde
les fables de la potence
à la lueur des bombes au phosphore
d’une conversion à la poussière
tu parles d’oiseaux pluvieux
criant comme des roues de camion
sur les hommes de rouilles
une montagne de bras et de jambes empilés
par l’Histoire avant la prière du soir
tu me parles des jardins suspendus
de mourir avant le passage des outardes
du ciel qui marche sur ton corps
les dinosaures ont disparu à cause de l’apparition des fleurs
la poésie et son image naïve
doivent servir à dire l’irréconciliable
parole fauve guettant des heures et des siècles
entre tous les discours et les manifestes
la seconde précise pour égorger sa proie
la victime demeure l’Histoire
le tueur porte des fleurs
l’erreur de sens évite la torture
il faut mourir pour tout le monde ou personne
ne pas idéaliser la tendresse
les châteaux sont toujours vides
il y a des milliers de paroles tournant
dans la bouche des espèces éteintes
nous sommes aussi dans ce long baiser de langues mortes
la tempête des corneilles apaise les déclarations de guerre
et la rancœur des étoiles précoces
nos lèvres collées sur la banquise
prennent le bleu des arbres qui s’achève
nous sommes les derniers à entrevoir
les anges muets d’orgueil dans le feuillage
nous avons déterré un amour primitif
de vieilles forment nous creusent
nos ennemis parlent notre langue
pour entrer dans nos rêves et nous empaler en silence
plusieurs se suicident avant les étoiles
les autres se réduisent en poudre
parmi les maladies antiques
et s’endorment dans l’espérance de la résurrection
les torturés finissent tous par parler