Anne Perrier
La voie nomade I
La voie nomade I
(extraits)
O rompre les amarres
Partir partir
Je ne suis pas de ceux qui restent
La maison le jardin tant aimés
Ne sont jamais derrière mais devant
Dans la splendide brume
Inconnue
* * *
Pour aller jusqu'au bout du temps
Quelles chaussures quelles sandales d'air
Non rien
O tendre jour qu'un mince fil d'été
Autour de la cheville
* * *
Si je m'égare
O que ce soit à l'heure de midi
Et au milieu d'étincelantes
Dunes leurs dômes de cannelle
Et leur fuite dorée
De gazelles
* * *
Endormez-vous mes terres
Mes atlantides endormez-vous
Je garde en moi l'appel
Ébloui des rivières
J'emporte la flûte
Ardente de tous les chants
* * *
Je sais que la nuit sera longue
Et que le froid me brûlera
Les yeux que le scorpion me guette
En silence et que des chiens avides
Gardent la porte du jour
* * *
Peut-être qu'à la fin du jour
Se lèvera d'entre les harpes
La brise du désert
Plus ineffable que le rossignol
Et que seul peut entendre
Le cœur intemporel
* * *
Si le temps me touche
Si la mort m'arrête
Alors que ce soit
D'un doigt éblouissant
* * *
Ce n'est pas l'ombre que je cherche
Ni l'humble signe
De la halte sous les palmiers
Tranquilles ni l'eau ni l'ange
Gardien d'oasis
Je cherche le chemin qui dure
Toujours toujours toujours
* * *
L'âme bleuie de froid
Quelle surprise pour la mort
Qui l'ouvrira
D'y trouver la fraîcheur sucrée
De la figue mûre
* * *
Si les ombres sur le chemin
Si les tristesses n'étaient rien
Que mirages mirages sur le sel
De nos larmes
* * *
Le bleu des lointains me transperce
Et tout le bleu du vent
Et jusqu'à l'âme
Le bleu cavalier de la mort
* * *
Je m'arrête parfois sous un mot
Précaire abri à ma voix qui tremble
Et qui lutte contre le sable
Mais où est ma demeure
O villages de vent
Ainsi de mot en mot je passe
A l'éternel silence
* * *
A la fin de la traversée
M'attend la souveraine saison
Sous ma tête
Le sable chaud du long sommeil
Une pelisse d'étoiles
Sur mon ombre humaine
* * *
Plus avant plus avant
Vers les terres extrêmes
Où il n'y a ni routes ni refuges
Rien que les plis laissés par le dernier repos
Du vent
* * *
Ce là-bas
Ce chant cette aube
Cet envol de ramiers
Cet horizon comme un jardin
Qui repose dans la lumière
Et les aromates