Paul-Marie Lapointe
FRAGILE JOURNÉE DE MICA
FRAGILE JOURNÉE DE MICA
fragile journée de mica où pourrissent les flaques
anémones d’un hiver soleil désirable
père les copeaux te peuplent
une rivière aux poissons durs
des hirondelles croix fichées dans le cœur
des villages
les feuilles ne sont plus
mais par le bois que tu ordonnes
mais par les villes allumées
où allons-nous?
le métal s’effrite dans la lumière
terreau vorace pour annuler les corps
et la mémoire même
poussière du bois poussière du feu ta cécité veille
menuisier qui vas mourir
les compagnons tressent des cordes
ô navire pendu haut et court
amours bercés si la nuit ne les arrache et ne les jette
claironnants dans le soleil
ancêtres et vifs
futiles époux des golfes et des caps d’où les mères
allaient enfanter le temps pour le perdre
pour les enfants coffrés par l’espoir
les artères de la malédiction suppliaient la nuit
noire de les nouer de les tordre de les
trancher
pour les enfants à la tâche de la rage
les coffres cumulaient les patiences bêtes à la
gorge tranchée résignations peuples à genoux
pour les enfants délivrés de leurs mères
les autels croassant immobiles avec des menaces
tombales des chèvrefeuilles et les pensées
longtemps entretenues par des mains pieuses
parmi les pierres
pour les enfants livrés à eux-mêmes
pieds et poings liés les capitaux les lois
bouches cousues lames condescendantes
servilités
ton souffle retiré tentative quotidienne
d’apprivoiser la mort
comme d’annihiler la terre
(le plongeur caresse ainsi – provoque – la
tentation d’être possédé par l’eau définitive
ou de franchir interminablement l’espace,
démembré, muet, jusqu’à ne plus être)
mais les membres pour crier
pour terrasser l’acier
mais les membres pour aimer
où allons-nous? haie de cèdre maisons chaudes
peaux des amants qui frissonnez au vent des astres
parmi les terres possédées
les maîtres vous admirent
ainsi qu’une porcelaine
leur caprice vous annule
les voix sont terrées
les plaintes suffoquent de jour en jour plus opaques
et vaines
bientôt le silence ne sera plus que le cri du premier
de tous les morts