Terminal 2 C

Souvenir, souvenir, que me veux-tu?
         La voix de Verlaine balbutie au terminal 2 C de l’aéroport de Roissy. Peu
de gens, peu de bruit. Ici s’achève un monde. Gris très chic, faux air de
carlingue. Juste des fauteuils où attendre, un livre entre les mains. Déjà le
silence, le suspens du ciel. Aux lèvres, une vague chanson lyrique, conjurant le
vertige : souvenir de vies en allées et de voix chères qui se sont tues.
         Entre ces parois de verre et de métal que ne franchissent pas les saisons,
je relis des poèmes qui parlent de la pluie. J’aime qu’un voyage commence
ainsi, dans l’oisiveté et le détachement. Avec un livre, une plume et un carnet.
         Cueillant des phrases au vol, des images, des paroles perdues. Une
espèce de crainte ou de fièvre tremblant au bout des doigts. À la main, un
léger bagage : l’amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.


***

Sur les pistes d’envol, l’espace paraît attendre. Obstinément, le ciel refuse de
se poser. Des remorqueurs très plats, équipés de grosses roues, tirent derrière
eux des baleines blanches, échouées sur le tarmac noir. Le nez épaté, l’air
pataud, les 747 font le plein d’essence autour de l’aquarium.
Quelque chose se prépare. Chacun rêve d’un envol, même la marchande de
sandwichs, au petit chapeau bleu, aux jambes de majorette. Derrière de larges
vitres, va sonner l’heure d’une autre vie. No man’s time : on regarde la forme
de l’air et la couleur du temps... En vérité, c’est dans le cœur que ça se passe.
Trois notes de musique donnent le la, une voix chante dans un haut-parleur, la
machine avale mon billet, une jeune femme distinguée me sourit poliment.
C’en est fait, je m’embarque : cette vie est une succession de guichets.

© Jean-Michel Maulpoix
Aus: unpublished
Audioproduktion: Printemps des Poètes 2006

Terminal 2C

Erinnerung, Erinnerung, was willst du von mir ?
Die Stimme Verlaines stammelt am Terminal 2C des Flughafens von Roissy.
Wenige Menschen, wenig Lärm. Hier endet eine Welt. Sehr schickes Grau, wie
in einer Kabine. Nur Sessel zum Warten, mit einem Buch in den Händen.
Schon die Stille, das Schweben des Himmels. Auf den Lippen irgendeine
Operettenmelodie, um das Schwindelgefühl zu bannen : Erinnerung an
dahingegangene Leben und an liebe Stimmen, die verstummt sind.
Zwischen diesen Wänden aus Glas und Metall, durch die keine Jahreszeiten
dringen, lese ich noch einmal Gedichte, die vom Regen sprechen. Ich mag es,
daß eine Reise so beginnt, in Untätigkeit und Gelassenheit. Mit Buch, Füller
und Notizheft.
Sätze im Flug fangend, Bilder, verlorene Worte. An den Fingerspitzen zittert
eine Art Furcht oder Fieber. In der Hand ein leichtes Gepäckstück : von der
Liebe möcht ich nichts mehr hören.


                                                       ***

Auf den Startbahnen scheint der Raum zu warten. Der Himmel weigert sich
beharrlich niederzugehen. Sehr flache Abschleppwagen mit dicken Reifen
ziehen weiße Wale hinter sich her, die auf dem schwarzen Asphalt gestrandet
sind. Die 747 mit Stumpfnasen und tollpatschiger Miene werden rund um das
Aquarium aufgetankt.
Etwas bereitet sich vor. Jeder träumt von einem Aufflug, selbst die
Sandwichverkäuferin mit dem blauen Hütchen und den Beinen eines
Funkenmariechens. Hinter großen Fensterscheiben schlägt bald die Stunde
eines anderen Lebens. Niemandszeit : man betrachtet die Form der Luft und
die Farbe der Zeit... In Wirklichkeit spielt sich das im Herzen ab.
Drei Noten geben den Ton an, in einem Lautsprecher singt eine Stimme, die
Maschine schluckt mein Ticket, eine vornehme junge Frau lächelt mich höflich
an. Es ist soweit, ich gehe an Bord : diese Leben ist eine Abfolge von Schaltern.

Aus dem Französischen von Rüdiger Fischer

©Printemps des Poètes