Amina Saïd 
Übersetzer:in

auf Lyrikline: 1 Gedichte übersetzt

aus: französisch nach: englisch

Original

Übersetzung

seuil 1 – naissances

französisch | Amina Saïd

je suis née sur les bords
de la mer du soleil couchant
la grande mer la très verte
la mer des Philistins
celle qui baigna Carthage
la mer blanche intérieure des Arabes
dont les chevaux déferlèrent sur les rives

*

algue j'ai grandi vague poisson
étoile aux multiples branches
la première lettre de l'alphabet
incrustée sur le front

*

à sept ans je nageais sur les eaux noires
dans le chemin de lumière que traçait la lune
j'allais jusqu'à l'impasse du soleil
jusqu'au pays des limites
je prenais des leçons de mirage
scribe intemporel
appliqué à calligraphier les siècles
à l'encre bleue de la mer

*

à neuf ans je découvris éblouie une ville engloutie
au retour je mis mes ailes à sécher sur les dunes
je comptais les pierres avant de les ramasser
j'avais deux visages je vivais dans deux mondes

*

à onze ans je ne parlais déjà plus à personne
pourtant une langue naissait dans ma bouche
je cherchais dans le silence les secrets du poème
essayais de me définir dans l'ordre des clartés
sous son voile blanc derrière ses paupières fardées
ma ville gardait ses mystères
ne se consolait pas de sa beauté perdue
la porte de la mer n'ouvrait plus sur le large
négligeant nos plus belles légendes
nous vivions nos jours et nos nuits assis
autour du marbre d'une fontaine tarie

*

à seize ans j'avais le sourire grave
de qui rêve d'évasion
j'avais deux visages je vivais dans deux mondes
merveilleusement immobiles
des sphinx aveugles peuplaient mes jardins de sable
des oiseaux de feu traversaient mon ciel
fissures de silence dans le lent travail du jour
avec la mort pour horizon la mer nous retenait
ses cuisses de méduse ondulant sous nos doigts

*

nous vivions nos jours et nos nuits assis
autour du marbre d'une fontaine tarie
la porte de la mer n'ouvrait plus sur le large
des sphinx aveugles peuplaient mes jardins de sable
on y fit planter un palmier qui bientôt caressa les nuages
je restais à ses pieds les yeux au ciel
ma grand-mère apparut
c'est un signe dit-elle tu vas nous quitter
fit les recommandations d'usage
versa l'eau verte sous mon pas
pour que tu reviennes un jour dit-elle
déjà j'étais sur l'autre rive

*

à quarante ans toujours habitée par mes ombres
entre passé et avenir
je suis de mon enfance et donc de nul ailleurs
je me souviens d'une nuit jeune
vécue au rythme de la mer
il y avait entre le monde et moi
tant d'espace et si peu
l'enchantement la connivence
c'était avant la lente agonie de la planète
avant la fissure du masque
j'avais deux visages je vivais dans deux mondes
je rêvais des rides du désert
face à l'étreinte bleue de l'horizon

*

je suis de mon enfance et donc de nul ailleurs
quelle vérité découvrir alors
que celle du soleil de chaque jour
celle d'une pluie de sable dans ma main ailée
la grande voix du monde
dans la trame unique
de la langue patiente qui me fut donnée

*

moi qui ne fais que revenir qui ne fais que partir
chaque seuil franchi
j'avance vers ma mort vers le premier jour
ainsi se creuse notre solitude
comme on explore au fond d'un puits sans eau
pour l'ombre rien que pour l'ombre
et face à soi-même
ce lieu où gît un reflet de la lumière

*

loués soient les deux syllabes libres du soleil
l'archipel du silence où je trouve les mots
le voyage de seuil en seuil qui est le vrai voyage
loué soit celui qui s'égare
celui dont la parole est dans l'écart
loué soit le monde parce que tout existe
ailleurs que dans le poème et en lui

*

toujours entre passé et avenir
j'ai voulu trouver celle qui devait être
je cherche désormais celle qui fut
je suis de mon enfance et donc de nul ailleurs
minuit de lumière alphabet du rien
mer blanche mer du soleil couchant
grande mer intérieure à l'ouest de nos rêves

© Amina Saïd / La differance, Paris
aus: La douleur des seuils : Poemes
Paris : Editions de la Difference, 2003
Audio production: 2002 M. Mechner, literaturWERKstatt berlin

[I was born on the shores]

englisch

I was born on the shores
of the sea of the setting sun
the deep green sea
the sea of the Philistines
that washed on Carthage
the white interior sea of the Arabs
whose horses swept along its banks

*

I grew up algae wave fish
star with multiple branches
the first letter of the alphabet
etched on my brow

*

at seven I swam on black waters
along moon traced pathlight
up to the country of limits
I took lessons on mirages
intemporal scribe
dedicated to handwriting the centuries
with ink from the indigo sea

*

at nine in wonder I discovered a sunken city
surfacing I laid out my wings to dry on the dunes
I counted the stones before gathering them
I had two faces I lived in two worlds

*

at eleven I no longer spoke to anyone
yet a language was taking shape in my mouth
I was looking in silence for the secret of poetry
I was trying to define myself within the orders of clarity
under its white veil behind made-up eyelids
my city kept its mysteries
did not console itself for its lost beauty
the sea gate on longer open on the wide
neglecting our most beautiful legends
we lived our days and our nights seated
around a marble fountain gone dry

*

at sixteen I had the solemn smile
of one who dreams of breaking away
I had two faces I lived in two worlds
marvellously immobile
blind sphinxes peopled my sand gardens
firebirds flew across the sky
fissures of silence in the slow day's working
with death as an horizon the sea held us back
its medusa thighs undulating under our fingers

*

we lived our days and nights seated
around a marble fountain gone dry
the sea gate no longer opened on the wide
blind sphinxes peopled my sand gardens
when a palm tree was planted which soon caressed the clouds
I remained at its foot my eyes towards the sky
my grandmother reappeared
it is a sign she said you will leave us
she gave the usual commendations
poured on green water after my footsteps
have you come back she said
already I was at the other shore

*

at forty always inhabited by shadows
between past and future
I issue from my childhood and thus from nowhere else
I remember a night which was young
lived to the rhythm of the sea
there was much between the world and myself
so much space and yet so little
enchantment complicity
this was before the protracted agony of the planet
before the rent in the mask
I had two faces I lived in two worlds
facing the embrace of the blue horizon
I dreamt of undulations in the desert

*

I issue from my childhood and thus from nowhere else
which truth therefore remains to be discovered
other than each day's sun
other than the ebb of sand from my winged hand
the immense voice of the world
in the single weft
of an indulgent language which was given to me

*

I who keep coming who keep leaving
each threshold crossed
I advance toward my demise toward the first day
solitude thus scoops itself out
as one explores the bottom of an empty well
- for darkness only for darkness faced with oneself -
seeking the place where the reflection of light is found

praise for the one syllable sun
the archipelago of silence where I find my words
the voyage from threshold to threshold which is the real trip
praise to him who goes astray
he whose words are singular
praise for the world because everything exists
everywhere then in the poem and in it too

*

still between past and future
I wanted to discover who she had to be
now I am seeking who she was
I issue from my childhood and thus from nowhere else
midnight light alphabet of nothingness
sea of the setting sun white sea
west of your dreams vast inner sea

Translated by Amina Saïd and Frank Kazich