Nicole Brossard
Villes réellement
Villes réellement
villes effleurées d’où tu regardes
les petits bras d’Isabelle Huppert
quand elle récite
les mots de Sarah Kane
villes effleurées où quelqu’un demande
parfois si ça soulage un incendie
ou peut-être aussi un tatouage
villes dans l’eau jusqu’à la ceinture
jusqu’à la destruction lente et molle du matin
ton sourire qui remonte à si loin
puis émerger sera
un verbe utile et strident
villes suspendues au-dessus des heures
avec leurs paupières de renaissance
leurs ficelles pour guérir
repoussant le chien le singe
dans les musées
frôlant paumes et poings pour camoufler
l’odeur de peur, l’instinct quotidien
villes du très grand Nord
où j’apprends à toucher
la matière grise des bêtes
leur peau sur les comptoirs
à essuyer le sang sur mes mains
pour saluer qui vient
de l’horizon turquoise des glaciers
avec une soif et un appétit qui font un lien
entre la tendresse et le froid