Amina Saïd
[nous sommes les hôtes inconnus]
[nous sommes les hôtes inconnus]
nous sommes les hôtes inconnus
dans la maison du monde
la mer la vague l'écueil
le navigateur découvrant
l'absence de balises
nous sommes l'œil qui voit l'œil
et la vision qui nous efface
nous sommes ce que nous regardons
au fond des yeux
et qui sait que nous sommes
nous sommes le nombre et l'unique
la chose et son contraire
la multiplication du visible
l'œil ouvert sur l'invisible
nous sommes l'ombre de l'ombre
qui dans l'obscure clarté du rêve sommeille
nous sommes la trace sur le sable
nous sommes chaque lettre de l'alphabet
nous sommes l'oracle et l'hommage
le masque suspendu à l'arbre
le temple et l'objet offert
à la lumière morte du temple
nous sommes la question
qui n'appelle pas de réponse
nous sommes la question et la réponse
lorsqu'elles ne font qu'un
nous sommes le cercle
qui se crée lui-même à l'infini
nous arpentons dans les deux sens
le calendrier des hommes
telle une échelle d'horizon
avant d'être invités à franchir
d'un bond le vide qui nous sépare
de notre naissance
oscillant entre ivresse et terreur
nous sommes ce que nous savons
et ce que nous ignorons
nous pleurons des larmes d'ambre
nous sommes le premier et le dernier mot
la strophe et le chant
et la bouche que nous voulons
accrocher à la face du silence
nous sommes la main insoumise
qui trace le signe
le vertige devant l'abîme
ouvert par le poème
qu'une parole en nous hésite à se dire
nous atteignons le plus intime de la solitude
nous sommes le pas et la marche
le chemin et la voie
et l'ultime seuil que nous franchirons
nous sommes le lieu où finit le monde
celui où il commence