Arno Calleja
[Moi il y a des images...]
Moi il y a des images d'enfant que je garde, de mon enfance, il y a des ciels par exemple, des ciels que je garde en mémoire, des ciels de quand j'avais sept ans, que je vois je les vois encore. Et ces ciels de mes sept ans que je garde en mémoire ils sont toujours actifs dans ma tête, au niveau des pensées. Il y a vraiment des ciels que je garde en mémoire et qui sont des spectacles de bleu, et qui sont des nuages, et qui sont des tempêtes comme des tempêtes de mer, comme une tempête de mer en plein ciel. Comme une pensée notée sur une feuille et qui ne s'arrête plus jamais de tout noter, de tout dessiner, dans le ciel. Comme un dessin dans le ciel lancé comme ça, un dessin animé qui ne s'arrête plus jamais dans le ciel. Il y a des spectacles de tempête de mer dans le ciel qui, électrisés par la foudre, donne des courts-circuits et d'ailleurs, ce qu'on appelle le tonnerre sur les villes vient en fait du spectacle de la mer dans le ciel de la tête que l'on garde en mémoire, en fait, au niveau des pensées. Et au niveau de l'oreille interne. L'oreille interne c'est une sorte d'ovaire acoustique, de réceptacle, de réceptacle sonore du ballet des nuages dans le ciel animé, dans le ciel avec la foudre. C'est à dire du bruit de la foudre. C'est la foudre qui anime l'énergie du dessin et l'énergie de l'ouïe, au niveau de l'animation.
Et l'énergie, je me souviens il y a des énergies d'enfants que je garde encore actives, en mémoire, au niveau des muscles et au niveau de l'endorphine. Il y a un ressort d'énergie dont je garde la mémoire dans le corps et qui vient de l'enfance et qui me vient du spectacle des ciels pendant l'enfance, de mes sept ans. Et qui vient de tous les spectacles de mon enfance. Parce que d'une certaine manière ce n'est pas seulement les ciels qui sont un spectacle c'est tout ce qui est qui est un spectacle pour l'enfant, et un spectacle de terreur parfois même, et d'ailleurs. D'ailleurs quand j'étais enfant je croyais que les poils des femmes c'était le sexe des femmes. Je veux dire que je croyais que le pubis des femmes c'était le sexe lui-même, et je ne comprenais pas comment ça pouvait marcher. C'est à dire que je croyais qu'il n'y avait rien en dessous, rien en dessous des poils et que le sexe féminin c'était ça, une masse de poils. Et je me demandais comment avec des poils on pouvait reproduire l'espèce humaine. Alors j'essayais de me représenter les choses et bon, je savais déjà que, j'étais petit mais je savais déjà quand même que les hommes avaient des pénis et que les femmes avaient, donc, des poils, avec rien dessous, et que c'était de ces deux choses là que se reproduisait l'espèce humaine. Mais je n'arrivais pas à imaginer de quelle manière un pénis et une touffe de poils pouvaient collaborer pour fabriquer un bébé, qui reproduise l'espèce humaine. Je n'y arrivais pas évidement ça m'angoissait. J'avais un gros chaînon manquant, j'avais un gros trou ou plutôt une grosse zone d'ombre dans la chaîne, j'avais les éléments de représentation de l'appareil sexuel humain sauf que j'avais une erreur, une erreur de jeunesse en la présence de ce sexe de femme de poils, de touffe. Et cette erreur ne me permettant pas de faire la jonction, j'angoissais. J'étais tout petit et j'étais déjà dans l'angoisse à cause de ça, de cette mauvaise représentation de l'anatomie féminine qui m'avait créé des mois d'angoisse.
Il y a toujours dans l'enfance des angoisses spécifiquement enfantines, des angoisses liées à la complexion d'un cerveau d'enfant, des angoisses liées aux bizarres représentations que se fait le cerveau de l'enfant du monde qui les contient, et où il ne comprend rien, ou si peu. Et moi enfant comme tous les enfants j'étais dans le comprend si peu. Et je crois que ces terreurs d'enfant au jour d'aujourd'hui, à notre vie adulte, elles agissent encore ces terreurs et qu'on en est encore médusés et encore usés de ces terreurs, jours après jours elles usent je le sens qu'elles nous pompent encore. C'est normal.