Madeleine Gagnon
CHANT POUR UN QUÉBEC LOINTAIN
CHANT POUR UN QUÉBEC LOINTAIN
LIMINAIRE
Il y a des pays qui se voient au lointain et ne peuvent autrement devenir prochains. Il y a des pays qui sont des corps, d’autres des livres et puis ils disparaissent dans la nuit des temps. Il y a des pays sans rives où de chaque côté on risque le vide, un peu comme les lits, ainsi le mien. S’y lever pour fouler le sol, tous les sols, demande un souffle, désir de jour, de veille.
Parfois tout s’abandonne au destin muet et les chapitres s’en vont dans le grand livre du silence éternel dont aucune contrée jamais ne revient.
Parfois aussi, des bribes au passage sont captées, le pas est emporté, la marche se poursuit et les lettres respirent avec les alvéoles d’air et de papier. Aucune garantie n’est alors exigée. Seule est tenue la promesse de la phrase, comme dans les mariages, alliances de métal et de mots.
Les rêves s’enchaînent entre deux êtres, les strophes défilent et se nouent. On regarde les pensées, on pense les images, la poésie s’occupe de tout.
Puis, il y a des retours, des adieux, des testaments, parfois la partance est pour de bon.
Il y a des scènes d’histoire, réminiscences en plein vol, et des paroles au-dessus des nuages.
Dans les bagages, il y a des choses laissées sans nom que les noms soudain ouvrent, les choses se déplient, elles volent avec leur nom de plume, elles ont des ailes jusqu’au chant.
On les écoute comme si le paradis perdu se découvrait enfin un territoire sur la carte de la Terre promise et Dieu n’a pas de corps pourtant, juste un nom, on l’avait oublié, on le sait maintenant.
Alors, on s’invente des géographies, des zones cadastrées, des maisons ancestrales plus vraies que les demeures spectrales, moins éloignées que les abris de survivance imaginées là-bas au bout du chemin long quand, par la fenêtre envisagés, les yeux de la lune sourient à la face de tout et de rien.
C’est là le temps du pacte entendu dans la nuit comme un univers clos. Le gong de la chair a sonné. C’est l’heure des pierres. Les pierres s’ouvrent et saignent, elles ont parlé. Dans leur mouvement subit le corps s’engage et signe tandis que la main suit.
Il y a des planètes remplies d’oreilles luxées. Mais aussi des planètes qui ont une bouche, des lèvres et un ventre qui donne la vie.