Denise Desautels
Apparitions
Apparitions
Falaise debout chargée d’apparitions devant l’indifférence du soleil. Ton oeil, ta joue, ta bouche, tout ton visage tranquille s’acharne. Après le premier effet de la souffrance — ta distraction, oh ! —, une haute mémoire. Tu te heurtes de plein fouet contre ses terreurs en boucle sur les fissures du tain. Les mots manquent. Ton histoire comme celle de l’univers, authentiques et rugueuses. Voilà les états de ta souffrance, le reste de tes nuits, un supplément de dimanches et d’astres. Tu regardes droit devant toi. Disponible au réel, à ce jeune siècle alentour.
Tout te rapproche de ta peur, tout t’en écarte : demain, plus tard, tu portes loin ta solitude. Tes portraits de femme, tes silhouettes à venir, tes cheveux, tes gestes se reforment. Et pourquoi pas l’espoir ? Grain par grain, entre son et silence. C’est fou ce qui se cache sous les mains. Le crâne, les rêves assiégés. La vie à même le vif de la falaise. Tu dis : je suis ces figures qui défilent, remplies d’impertinences, et cette menace à ciel cru, son bourdonnement, son noir quotidien. Tu dis : nous nous serrons doucement les unes contre les autres.
D‘un côté, les événements du jour filent dans le brouillard : l’ambre de tes faces, les combats, les défis, les fatigues, les soifs déchirent tes pensées ; de l’autre — main dans la main, ménagerie et mélancolie, on dirait —, une enfant opiniâtre se soulève et se pose, souveraine, sous l’autorité de l’un de tes regards. Maintenant, elle dit. Comme s’il s’agissait de se frayer une voie entre les obstacles du dedans et de l’ailleurs. Voilà, c’est ça, l’air de rien, au plus profond, dans la gravité de soi : renaître. Une vision naturelle de l’éternité.