كيف أصبحتُ... - How I become...

سقطَ حُزنُها من الشرفةِ وانكسر، أصبحتْ تحتاجُ إلى حزنٍ جديد، حين رافقتُها إلى السوق، كانتْ أسعارُ الأحزان خياليةً فنصحتُهَا أنْ تشتريَ حُزناً مستعملاً، وجدنا حزناً في حالةٍ جيدة، غيرَ أنَّهُ واسعٌ قليلاً، كانَ كما أخبرَنَا البائعُ لشاعرٍ شابٍ انتحرَ في الصيفِ الماضي، أعجبَها الحزنُ وقرَّرنا أخذه، اختلفنا مع البائعِ على السعرِ، فقال إنَّه سيعطينا قلقاً يعودُ إلى الستينياتِ كهديةٍ مجانيةٍ إن اشترينا الحزن، وافقنا وكنتُ فرحاً بهذا القلقِ الذي لم يكنْ في الحسبان، أحسَّتْ بفرحتي فقالت هو لك، أخذتُ القلقَ في حقيبتي ومضينا، مساءً تذكرتُ القلق، أخرجتُهُ من الحقيبةِ وقلَّبتُهُ، لقد كانَ بجودةٍ عاليةٍ وبحالةٍ جيدةٍ رغم نصفِ قرنٍ من الاستعمال، لا بدَّ أنَّ البائعَ يجهلُ قيمتَهُ وإلَّا ما كان ليعطينَاهُ مقابلَ شراء حزنٍ رديءٍ لشاعرٍ شاب، أكثرُ ما أفرحني به هو أنَّهُ قلقٌ وجودي، مشغولٌ بحرفيةٍ عاليةٍ وفيه تفاصيلُ غايةٌ في الدقةِ والجمال، لا بدَّ أنَّهُ يعودُ لمثقفٍ موسوعيٍ أو سجينٍ سابق، بدأتُ باستعمالهِ فأصبحَ الأرقُ رفيقَ أيَّامي، وصِرتُ من مؤيدي مباحثاتِ السلام، توقفتُ عن زيارةِ الأقاربِ وازدادتْ كتبُ المذكراتِ في مكتبتي ولم أعدْ أُبدي رأياً إلا ما ندر، صارَ الإنسانُ عندي أغلى من الوطنِ وبدأتُ أشعرُ بمللٍ عام، أمَّا أكثر ما لفتَ انتباهي هو أنني أصبحتُ شاعراً.

© Ghayath Almadhoun
الإنتاج المسموع: Literaturwerkstatt / Haus für Poesie, 2016

Comment je suis devenu

Sa tristesse est tombée du balcon et s’est cassée. Dès lors elle avait besoin d’une nouvelle tristesse. Quand je l’ai accompagnée au marché, les prix des tristesses étaient inimaginables, donc je lui ai conseillé qu’elle achète une tristesse d’occasion. Nous avons trouvé une tristesse en bon état, toutefois elle était un peu trop large. Comme le marchand nous a expliqué, elle appartenait à un jeune poète qui s’est suicidé l’été passé, la tristesse lui a plu et nous avons décidé de la prendre. Nous étions en désaccord avec le vendeur sur le prix, puis il nous a dit qu’il allait nous donner une angoisse qui remonte aux années soixante comme cadeau si nous achetions la tristesse. Nous avons accepté et j’étais content de cette angoisse qui n’était pas prévue. Elle a senti ma joie et elle m’a dit « c’est pour toi », j’ai pris l’angoisse dans mon cartable et nous sommes partis. Le soir je me suis souvenu de l’angoisse, je l’ai sortie de mon cartable et je l’ai retournée, elle était vraiment d’une bonne qualité et en bon état malgré un demi siècle d’utilisation. Sans doute le vendeur ignorait sa valeur sinon il ne nous l’aurait pas donnée contre l’achat d’une piètre tristesse pour un jeune poète. Ce qui m’a le plus réjouit dans cette angoisse, c’est qu’elle était existentielle, elle a été faite d’un artisanat méticuleux et elle a des détails extrêmes dans sa finesse et sa beauté. Certainement elle revenait à un érudit ou bien un ancien prisonnier. J’ai commencé à l’utiliser et l’insomnie est devenue mon amie quotidienne et je suis devenu un des supporters des discussions de paix, j’ai arrêté de visiter ma famille, les livres des mémoires ont augmenté dans ma librairie, et je ne donne plus mon avis que rarement. L’être humain est devenu pour moi plus important que la patrie et j’ai commencé à sentir l’ennui général. Ce qui a le plus attiré mon attention, c’est que je suis devenu un poète.

Traduction : Bruno Fonteyne, Corentin Dewez, Grégory Vandamme, Marco Tondello, Wassim Ghamraoui