Daniel Samoilovich

الأسبانية

Jean Portante

الفرنسية

Porto dos Ossos

La angustia del amor te aprieta la garganta
como si nunca más fueras a ser amado.
Apollinaire

¿Pero cómo se hará de noche si la sombra
no sabe qué hacer contra el pulido
azul de la bahía?
Los cascos de los barcos ya están negros
y el cielo rayado de mástiles negros
y el agua todavía resplandece.
En el bar, siluetas
que la tarde cortó de su papel plateado
toman whisky y murmuran
en media docena de lenguas. Y tu botella
se va poniendo igual a todas las botellas;
ya no es posible leer las etiquetas.
¿Pero cómo se hará de noche
si la noche vacila
ante el escudo azul de la bahía?
Alguien tal vez venga nadando
de los barcos, y por la estela negra
que dejen sus brazadas invisibles
entre la noche al mar. Entonces sí,
antes que llegue el nadador
será de noche y se habrá abierto
la mano que en un puño tu corazón tenía.

© Daniel Samoilovich
من: La ansiedad perfecta
Buenos Aires: De la Flor, 1991
الإنتاج المسموع: Literaturwerkstatt Berlin 2009

Porto Dos Ossos

L’angoisse de l’amour te serre le gosier
                                                Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
                                                                                                Apollinaire

Mais comment fera-t-on de nuit si l'ombre
ne sait quoi faire contre le bleu
poli de la baie?
Les coques des navires sont déjà noires
et le ciel rayé de mâts noirs
et l'eau resplendit encore.
Dans le bar, des silhouettes
que le soir a découpées dans son papier argenté
boivent du whisky et murmurent
en une demi-douzaine de langues. Et ta bouteille
commence à ressembler à toutes les bouteilles;
il n'est déjà plus possible de lire les étiquettes.
Mais comment fera-t-on de nuit
si la nuit vacille
devant le bouclier bleu de la baie?
Il se peut que quelqu'un arrive à la nage
depuis les bateaux, et par la stèle noire
que laissent ses brassées  invisibles
entre la nuit et la mer. Alors oui,
avant que n'arrive le nageur
il fera nuit et se sera ouverte
la main qui dans un poing ton coeur tenait.

Traduit par Jean Portante