Patrick Beurard-Valdoye
La pinède d'Artaud
LES EMPLOYÉS municipaux ignorent
l'emplacement et le nom d'Artaud
exclu du renom funéraire
l'on donne l'orientation
par l'allée des marronniers
et les rangs du midi
dans le haut sous la pinède
nous errons de caveau en caveau
chacun de son côté cherchant
une stèle de granit rose en vain
en désespoir de cause
je m'ordonne et le somme
Tu vas pas me laisser repartir comme ça
¬– il n'aimait certes pas être tutoyé –
la tombe surgit tout juste à droite
lourde et bordée de deux rangs d'iris
nous avons déployé la nappe
des présents faits de passés
autant que dépassés
ces bouts de revenants
assoupis sur la dalle ombragée
enfoncés dans un vase en étain
et couvrant d'intime étanche
l'ordre rigide gravé dans le marbre
ceinture de Mexico macramée
crayon Staedler HB 2 1/2
stylo bille bleu EDMODO.COM
feuille raisin Fabriano in quarto
d'une repro d'Artaud au crayon litho
petite auto Morris Cooper rouge vivace
fagot de brindilles enroulé de
voile de tulle coquille saint Jacques
haussée d'un galet ovale
à quoi s'ajoutent deux gouttes
d'encre de mon stylo Pelikan
noircissant la terre aux iris
car la poésie qui ramène l’ordre
ressuscite d’abord le désordre