Paul Bélanger
L’oubli du monde
L’oubli du monde
une chose ancienne me revient à l’esprit
tandis que je marche sur la plage de Saco
la baie hâve perdu dans l’embrun s’éloigne
une chose après l’autre je reprends le trajet
sans repos je suis du monde mais séparé de lui
par un invisible voile
je ne rattraperai pas ce souvenir
il glissera sous mes pieds pour se perdre
dans le sable
tu ne figurais pas encore
au nombre de mes connaissances
mais pour m’en assurer il faudrait
reprendre le fil entier d’une vie
jusqu’à tes yeux qui me dévisagent
**
le jour de l’enterrement de grand-papa
la famille réunie sous les grands arbres
du cimetière pleure l’ancêtre
désormais reposant près du fleuve
qu’il rêvait de rejoindre
fraternel je cours entre les monuments
je franchis les cloisons
je vois l’eau étale jusqu’aux montagnes
sur l’autre rive j’entends
les murmures les impérieux propos
des hommes sur les semailles
le manque d’eau la sécheresse chronique
quatre hommes font glisser le cercueil
dans son trou puis dans les feuilles
la voix somnolente de grand-papa m’appelle
je sais peu du voyageur qui pose ainsi le pied
hors du sillon
je m’arrête en cet après-midi de juin
je vois dans les yeux de l’absent
un cycle qui recommence