Aymen Hacen
LITANIES À LUMUMBA
LITANIES À LUMUMBA
– 1 –
Des hommes sont à la recherche d’une gloire, d’autres l’ont,
mais ils ne s’en rendent pas compte
Ma gloire appartient au pays des Maures là où le soleil couronnant
le zénith embaume mes frères les nègres de sueur et de sang
la chaleur pèse lourd sur les corps nus et sur les âmes déshéritées,
tel est mon châtiment d’être né dans ce pays où la gloire est une
profanation
sous la férule d’une terre assoiffée, je songe à cultiver une gloire
que j’arroserai d’une eau puisée dans l’univers des anciens et dans
leur narcissisme bourgeonnant en moi depuis maintes saisons,
depuis le jour de la rupture ombilicale
Ce jour-là, on vit naître un enfant de braise ! un homme de feutre
grinçant qui aimait laisser ses traces là où il passait
Ce fut moi cette abominable créature, cet homme, qui fut tantôt
jeté sur le bitume et les chaussées
et ma gloire prit naissance ce jour-là
Puis vint le poème pour stimuler ma rage de nègre assoiffé
le paysage était couvert d’âmes possédées, de corps putréfiés, de
terres violées, de femmes stériles
seul un spectre lointain apparaissait dans les horizons, c’était le
visage de lumumba
la toile était prête pour témoigner de l’orgie des hyènes
– 2 –
Je suis un Maure
Je tente de briser mes chaînes
j’essaye de replanter l’espoir dans mon domaine
Je suis un Maure
je raccommode mes haillons
je console les cours d’eau calmes et vaillants
Je suis un Maure
un homme en apprentissage
mes origines s’étendent jusqu’aux sources du Tamazight
j’ai une culture puisée dans la ferveur des Tziganes et des incas
Je porte en moi le culte épique des âmes ancestrales
Je suis un Maure
le soleil se couche dans les profondeurs de mon sein
Je suis un Maure
ma gloire est d’abriter la lumière après chaque crépuscule du soir
– 3 –
Mon sang coule à flot pour atteindre les fleuves en coalition
Ma nausée est un tam-tam aux battements languissants
Ma rage et mes cris ont traversé la forêt
Ma voix a violé la sérénité des ancêtres
Ma voix a parcouru la savane encerclée pour réveiller les Lions
endormis :
Lumumba ! Lumumba ! Toute la forêt a crié Lumumba !
Lumumba ! Toute l’afrique a chanté
Lumumba ! Lumumba ! De ton sang dissipé nos terres sont
assoiffées
Ô Afrique ! Que ta terre soit purifiée par les cendres du Lion
vénéré !
(2000-2002)